Science et Religion

P Răzvan Ionescu, La théologie orthodoxe face aux défis de la science

Les résultats des sciences peuvent-ils constituer des défis pour la vie chrétienne ? Peuvent-ils par conséquent faire l’objet d’une réflexion théologique ? Nous tenterons de répondre en nous proposant de réfléchir sur trois thèmes d’intérêt majeur correspondant d’abord au rôle de la recherche scientifique au sein de la démarche propre à l’étude et à la recherche théologique, ensuite à la question de la compréhension (scientifique et théologique) du réel, enfin à la question de la présence de la conscience humaine dans l’Univers et de l’intelligibilité de ce dernier pour cette conscience.

 

Introduction

Vivre sa vie chrétienne n’exige pas de s’intéresser à tout prix aux réalités provenant de la science, car la connaissance de Dieu consiste d’abord et principalement à purifier son cœur à l’aide de la grâce du saint Esprit. Pourtant, il est évident que les milieux culturels où nous vivons notre foi peuvent nous faciliter ou, au contraire, rendre plus difficiles nos efforts spirituels. L’instruction que nous recevons depuis notre enfance, et qui dépend de la culture du milieu où nous vivons, joue un rôle dans notre façon d’interagir avec le monde ou de nous poser des questions existentielles. Il est évident que nous avons intérêt à vivre au sein de cultures qui facilitent notre vie chrétienne.

Il nous semble que la culture la plus répandue dans le monde, qui se globalise le plus vite, est celle qui se nourrit des différents savoirs d’ordres scientifique et technologique. Il s’agit en principe d’une culture « neutre », c’est-à-dire qui se dit « indifférente » par rapport au monde des religions. Son effet depuis les temps modernes est, ce que certains philosophes des sciences appellent aujourd’hui un « désenchantement » du monde, c’est-à-dire un rejet de toute dimension métaphysique par l’exclusion d’une façon programmatique de l’« hypothèse Dieu ». On a vu se développer dans ce contexte des idéologies scientistes. Il s’agit d’une culture qui, tout en cultivant l’exercice de l’intelligence humaine, fait de sa puissance sa « divinité », c'est-à-dire son principe fondateur et sa référence absolue.

La bonne nouvelle aujourd’hui, c’est que cette culture change de regard sous la pression des faits scientifiques. Par voie de conséquence, des scientifiques de plus en plus nombreux se posent des questions d’ordre métaphysique vu le constat des limites des sciences. Certains d’entre eux osent parler de l’émergence d’un nouveau paradigme (dans le sens kuhnien du terme). Ainsi, le philosophe des sciences Jean Staune constate que « de l’étude de l’infiniment petit à celle de l’infiniment grand, de l’étude de la vie à celle de la conscience, une nouvelle vision du monde a déjà émergé et rouvre les chemins du sens, comme le dit Bernard d’Espagnat, voire jusqu’à permettre la convergence entre science et religion, comme l’affirme Charles Townes ; elle va déconstruire les conceptions mécanistes, réductionnistes et matérialistes dans les sciences dites de la matière ; de même va-t-elle poser la question du sens, sans toutefois y répondre ». [1]

J’estime que nous nous trouvons pour la première fois depuis les temps modernes devant une perspective culturelle, issue même de l’exercice des sciences, qui invite, au moins sur le plan de la philosophie des sciences, à une réflexion renouvelée. Et c’est dans cet espace de réflexion que la pensée traditionnelle, propre à la vie de l’Eglise, peut apporter à l’homme d’aujourd’hui sa richesse. Les conséquences d’ordre existentiel de l’exercice des sciences intéressent nécessairement, selon nous, la réflexion théologique. Par conséquent, si nous nous posons la question : « la relation entre la théologie et la science peut-elle constituer un vrai thème de réflexion théologique ? », il semble que la réponse est nécessairement positive dès qu’on se rend compte, et je cite toujours Jean Staune, que «  les théories scientifiques relatives à l’origine de l’univers, la nature de la matière, la nature de la conscience, le déroulement de l’évolution de la vie ont forcément des implications philosophiques et métaphysiques ». On se rend donc compte qu’on ne peut pas se contenter de rester dans une démarche strictement scientifique, car il y a toujours des conséquences sur notre vie, et que ces théories «  ne peuvent pas être complètement neutres par rapport aux conceptions que les diverses traditions de l’humanité ont abordées à propos de l’homme et du monde ». Sur le plan de l’anthropologie ou de la cosmologie, les différentes théories scientifiques interpellent notre vision du monde ou de l’homme. Ainsi, Thierry Magnin, physicien et prêtre catholique, nous invite à nous rendre compte que « la tradition judéo-chrétienne nous a appris à contempler l’action de Dieu dans l’histoire du peuple hébreu, dans l’aventure de l’Eglise et de l’humanité » ; il se demande par conséquent : « pourquoi ne pas en percevoir la trace dans la fantastique aventure de l’univers sans pour autant tomber dans un concordisme passif ? ».[2]

Les deux démarches de connaissance, scientifique et théologique, sont distinctes. Avoir une attitude concordiste signifie vouloir à tout prix les faire marcher ensemble en ignorant leurs compétences spécifiques. L’attitude opposée est le discordisme, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent jamais converger, qu’elles s’excluent l’une et l’autre. Entre les deux extrêmes, concordisme et discordisme, il y a un chemin du milieu où les deux gardent leurs compétences, un territoire qui se situe pour certains au niveau philosophique, pour d’autres au niveau théologique, un territoire de dialogue. C’est cela que nous allons analyser dans ce qui suit.

 

Le premier défi : comment concevoir la relation entre la recherche scientifique et théologique ?

Saint Silouane d’Athos, ainsi que son disciple, l’achimandrite Sophrony, affirment qu’il y a deux modes de connaissance de l’existence : le mode théologique (divino-humain) et le mode strictement humain (y compris celui scientifique). Qu’est ce que la théologie ? Dieu agissant dans l’être humain fait que l’être humain peut faire l’expérience de cette présence et dire ce qu’il vit en Dieu. La théologie est donc l’expression d’une expérience humaine concernant Dieu.

Il n’est donc pas possible de parler de la théologie en tant que voie de connaissance dans une perspective strictement épistémologique. Faisons attention au terme épistémologie, qui désignait autrefois la théorie de la connaissance en général, mais qui depuis la modernité désigne surtout la théorie de la connaissance scientifique. Par conséquent, quand on parle d’épistémologie, selon l’acceptation courante, il faut entendre ce qui évoque le fait de « connaître d’une manière scientifique ». Il est évident que nous ne nous permettons pas de transformer la théologie en une discipline d’ordre épistémologique. Les grands spirituels que nous venons de mentionner, saint Silouane et son disciple, l’archimandrite Sophrony, attirent notre l’attention sur le fait qu’il faut distinguer science et théologie. Les Pères de l’Eglise qui se sont investis sur la problématique des rapports possibles entre la théologie et la science nous proposent un fil conducteur qui traverse d’un bout à l’autre toute leur réflexion théologique et qui est la distinction d’ordre gnoséologique entre théologie et sciences.

L’activité proprement théologique, dit l’archimandrite Sophrony, « s’opère dans des conditions particulières, foncièrement différentes de celles dans lesquelles s’exerce l’activité scientifique. L’esprit humain est conduit par l’esprit du Christ à la connaissance de Dieu, à une connaissance existentielle ». Par le mot existentiel il faut comprendre « dans le plan de l’être » : quand je connais, je deviens, je suis. Ce n’est pas uniquement le compartiment intellectuel qui fait une acquisition d’information sur Dieu ; on ne nous informe pas que Dieu est comme ceci ou comme cela. La connaissance théologique est une véritable expérience de communion avec Dieu : Il nous imprègne de sa présence, et nous, à travers notre théologie, nous essayons d’exprimer ce qui vient de Lui.

« Connaissance existentielle » – dit l’archimandrite Sophrony – « si bien que le mot "connaissance" lui-même ne désigne pas une assimilation intellectuelle abstraite, une compréhension rationnelle, mais l’entrée dans la sphère de l’existence divine de participation à l’Etre ». « L’expérience théologique se produit essentiellement par la prière. » Nous n’allons pas insister là-dessus, mais l’archimandrite Sophrony parle de l’ascète-moine, en expliquant que le moine, par rapport aux autres chrétiens, choisit la voie la plus dédiée (c’est à peu près l’équivalent de la voie rapide sur l’autoroute !) à la prière, en suivant l’appel à « prier sans cesse » adressé à nous tous par le Seigneur. L’Archimandrite dit que le moine s’abstient même de ce que le chrétien habituel peut faire, y compris même de la réflexion théologique justement pour pouvoir s’investir à fond dans la vie de prière. En ce qui nous concerne, retenons l’idée que si la théologie est en quelque sorte prière et que la prière est en quelque sorte théologie, on ne peut plus prétendre que la théologie soit une démarche d’ordre scientifique. Saint Silouane reprend d’ailleurs la célèbre proposition d’Evagre le Pontique : « celui qui prie sans être dispersé est théologien », pour lui est théologien celui qui arrive à prier sans dispersion.

On entend aujourd’hui parler de « théologie empirique », de « théologie scientifique », de « théologie académique » ou de « science théologique ». Qu’est-ce que chacun de ces termes veut dire ? L’archimandrite Ephrem, l’higoumène du monastère de Vatopédi au Mont-Athos, lorsqu’il parle de l’existence d’une partie scientifique de la théologie académique, attire notre attention sur la nécessité de ne pas confondre cette partie, cette démarche, avec la théologie dans son entier. Dans les facultés de théologie on emploie des disciplines scientifiques : par exemple, l’archéologie étant une science, dans ce contexte l’archéologie biblique veut dire qu’il y a un objet d’intérêt d’ordre religieux, le monde biblique, et que nous employons des moyens scientifiques pour aider notre compréhension théologique. Il est évident que les instruments de ce genre de connaissance restent d’ordre scientifique. Et ce n’est pas pour dire que la théologie académique est quelque chose de mauvais, mais pour souligner un défi pour la vie chrétienne : comprendre les démarches qui se légitiment théologiquement ou scientifiquement, chacune selon sa propre compétence, sans confusion.

Ainsi, surtout dans la vie universitaire, il faut distinguer, à notre avis, ce qui relève de la théologie et ce qui relève de la science. Sans trop diviser les domaines, bien évidemment, il ne faut pas en même temps avoir l’impression que nous avons une activité spirituelle en manipulant uniquement des notions (dites) théologiques, en essayant de construire des discours qui répondent aux exigences universitaires, mais qui en réalité ne construisent pas la personne humaine dans une vraie vie spirituelle. Qu’apprend-on dans les facultés de théologie qui nous permet plus tard de nous approcher de la prêtrise ? Il y avait par exemple en Roumanie une discipline qui s’appelait « formation spirituelle », on y étudiait le cours d’ascétique et de mystique de Père Dumitru Stăniloaie. Il y a aujourd’hui d’autres approches dans les écoles de théologie qui n’insistent pas sur la formation, mais sur l’information. Si dans les facultés de théologie on apprend à avoir envie de connaître le Dieu Tout-puissant, c'est-à-dire à vouloir goûter sa grâce, il n’y a pas de souci même si on utilise tous les moyens dits scientifiques. Mais si nous sommes tentés de remplacer le Dieu Vivant par un objet de notre préoccupation qu’on appelle « Dieu » et que nous essayons de décrire intellectuellement sous toutes ses facettes, nous faisons en réalité une idole qui ne peut pas « coller » à la réalité de Dieu. On se trompe, ce n’est pas la même chose !

Dans les facultés de théologie nous devons nous poser cette question: comment écrire une thèse de théologie ? A quoi sert une thèse de théologie pour la vie de l’Eglise ? Peut-on marier l’exposition d’idées répondant aux exigences scientifiques avec l’expression de la spiritualité ? Les Pères de l’Eglise qui ont pu répondre aux défis de leurs époques en ce qui concerne la relation entre la réflexion d’ordre théologique et scientifique, n’ont pas produit d’abord des œuvres scientifiques ou philosophiques : ils ont produit des œuvres théologiques. On peut se référer au cas le plus connu, celui de saint Basile le Grand et de ses commentaires de l’Héxaméron, donnés sous la forme d’homélies pendant le Grand Carême, homélies touchant les rapports possible entre théologie et science.

Malheureusement, diviser le travail théologique en de multiples disciplines, ressemble au travail multidisciplinaire propre à la modernité, méthode qui comporte des avantages dans la connaissance du monde créé, mais qui ne peut pas prétendre au même succès en ce qui concerne la rencontre avec l’incréé. Le rationalisme est un vrai danger pour la théologie, car on transforme la théologie par les moyens de notre intelligence en courant le risque de nous voir sortir de la démarche propre à la vie ecclésiale à laquelle l’homme participe dans une démarche existentielle.

 

Un deuxième défi : la science et la théologie face au réel

Qu’est-ce que le réel ? Les gens parlent d’habitude de nature, d’univers, de cosmos. Mais de plus en plus les scientifiques, et surtout ceux qui font des études au niveau de l’infiniment petit, se posent cette question : qu’est-ce que le réel ? Qu’observe-t-on ?

Je fais une petite parenthèse. Il y a trois niveaux qu’on décèle facilement dans l’univers aujourd’hui.

Le premier concerne l’infiniment petit, c'est-à-dire les particules. En fait, la vision selon laquelle la matière est constituée de particules est dépassée aujourd’hui. Dans ses profondeurs, la matière se transforme en énergie et l’énergie en matière. On ne peut plus toucher les choses, l’objet n’est plus « quelque chose » dont on peut dire  « il est là » ; il est là et en même temps il se manifeste à des milliers de kilomètres, parce que la matière a des propriétés insoupçonnées. Il y a un autre niveau, le niveau dit de la physique classique car la physique newtonienne, classique, répond très bien à ce niveau : c’est l’échelle de l’homme. Une pomme tombe, et on peut décrire son mouvement en termes de cette physique. Un troisième niveau, macroscopique, est celui qui prend en considération les distances et les magnitudes au niveau de l’échelle de l’univers, des galaxies.

Pensons maintenant à la cosmologie. Selon l’étymologie, « cosmologie » veut dire « parler du cosmos », de la même façon que « théologie » veut dire « parler de Dieu ». Réfléchissons-y : on ne peut pas parler de Dieu si Dieu ne nous parle pas, il faut donc que Dieu s’adresse à nous pour que nous puissions ensuite dire quoi que ce soit sur lui. Donc, la théologie nécessite d’abord que Dieu nous parle, et nous parlons théologiquement parce que Dieu parle. D’une façon similaire, cosmologie veut dire qu’on parle de cosmos, mais suite au fait que le cosmos lui-même nous parle ! Prenons l’exemple de l’image des étoiles sur le ciel. Le ciel tel que nous le voyons aujourd’hui n’existe plus depuis des millions, des milliards d’années. Ce que nous percevons aujourd’hui par nos yeux, c’est le passé de l’univers. Il nous délivre ses secrets qui viennent des profondeurs-mêmes du temps (et c’est pour cela, j’imagine, que les gens se passionnent pour parler de l’univers). Le cosmos nous parle de quoi ? Ou encore, peut-on se demander, le cosmos nous parle de qui ? Car, dans une perspective théologique, le cosmos nous parle de Quelqu’un qui l’a fait. Il y a donc une distinction d’approche par rapport à celle des scientifiques quand on regarde le ciel dans une perspective théologique. Par exemple, quand on sort de l’office des vêpres et qu’on regarde le ciel, on a envie de dire : « que c’est beau ! » ; et c’est en fait une doxologie que l’on dit implicitement ou explicitement : « Gloire à toi, mon Dieu  pour avoir fait cette beauté ! ». La pensée d’identifier « quelle étoile est celle-ci ou celle-là » ne vient pas à l’esprit de quelqu’un qui prolonge théologiquement la prière en regardant la création, le ciel, etc. En revanche le scientifique regarde le ciel et se dit : «  c’est extraordinaire, ce soir je peux voir telle configuration, difficile à voir à une autre occasion » ; donc il commence à réfléchir d’une autre manière. Je dis cela pour distinguer les expériences qu’on peut faire. C’est pour cela que je parle d’approche scientifique et philosophique du réel d’un côté, et de l’approche théologique, de l’autre côté.

Erwin Schrödinger, en écrivant « Qu’est-ce que la vie ? de la physique à la biologie », essaie de voir au niveau thermodynamique ce qui se passe avec l’homme et de dire ce qu’est l’homme par rapport à l’univers. Basarab Nicolescu, physicien et philosophe roumain, insiste sur la notion des « niveaux de réalité ». Prenons sa vision, au moins sur le plan terminologique. Que veut dire le mot « niveau » ? Il considère qu’il y a ce qu’il appelle une « rupture » au niveau des lois et des concepts quand on passe d’un niveau à l’autre (c'est-à-dire que ce qu’on utilise comme moyens pour comprendre à notre niveau, à l’échelle humaine, ne fonctionne pas pour le niveau microscopique). C’est pour cela que la physique quantique a bouleversé les perspectives car elle n’avait rien à voir avec ce qu’on connaissait auparavant. Par exemple le dualisme onde-corpuscule : la lumière transporte-t-elle de la matière ou pas ? On peut dire oui, mais on peut en même temps dire non, parce qu’elle est également une onde. Notre affirmation est antinomique.

On peut donc imaginer au moins trois niveaux de réalité. D’une manière intuitive, nous parlons de la grande échelle, qui correspond à l’infiniment grand, de l’échelle correspondant à notre niveau, l’échelle humaine, et enfin de la petite échelle, « petite » qui correspond à l’infiniment petit. Pour comprendre chaque niveau, il faut avoir des lois bien spécifiques. Mais ce qui essentiel, ce qui est extraordinaire, ce qui est théologique, c’est que l’homme peut comprendre chaque niveau ! Nous découvrons que le cosmos est rationnel, il comporte une rationalité qu’on peut lire à n’importe quel niveau. Cela montre la place de l’homme dans l’univers : à tous les niveaux, l’homme peut comprendre, parce que l’univers entier se dévoile à sa compréhension.

Le physicien et philosophe Bernard d’Espagnat parle du « réel voilé ». C'est-à-dire que, dans une perspective scientifique, quand les hommes de science plongent dans les profondeurs de la matière, ils découvrent qu’il y a toujours une réalité qui leur échappe. C’est comme une réalité derrière ce qu’on peut observer. Imaginons un iceberg, il y a la partie visible et la partie submergée. En général, la partie submergée est beaucoup plus grande que la partie visible qu’elle soutient. D’Espagnat nous parle du dépassement de la vision « multidiniste » (la matière est décomposable dans des microparticules élémentaires vues comme des petites balles) en nous parlant de l’« Être ». Il ne parle pas nécessairement de Dieu, mais il évoque une réalité qui se manifeste dans toutes les actions et les réactions qu’on peut trouver au niveau invisible, de l’infiniment petit. Selon d’Espagnat, de nouveau on peut introduire dans la science la notion de l’être – ce qu’on n’avait plus envie de faire depuis Platon.

Selon l’approche théologique du réel, nous sommes dans le domaine de l’apophatisme. On touche, mais en même temps cela nous échappe, nous dépasse. Théologiquement, on ne touche pas uniquement pour se rendre compte de ce qu’il agit au niveau matériel, mais pour expérimenter ce qui est manifesté par le réel qu’on touche et qui montre une certaine « transparence » envers lui. L’œuvre témoigne de son créateur sous le regard de celui qui apprend lire. Ainsi, science et théologie nous invitent, chacune selon ses propres compétences, à découvrir la profondeur du monde qui « cache » ce qui est au-delà de nos possibilités physiques.

Parlons maintenant de cosmologie et de l’évolution de la vie et de l’univers. Il est important de parler de cosmos sans oublier l’homme. A ce propos la proposition du physicien anglais Roger Penrose constitue sans doute une nouveauté par rapport à la modernité : si la physique contemporaine veut avoir des prétentions de complétude (dans la physique on cherche une « théorie de tout ») il faut prendre en considération l’existence de la conscience humaine dans l’univers. C’est révolutionnaire, parce que dans la physique classique l’observateur était derrière les appareils, on ne le voyait jamais. Dans la physique quantique la manière dont on observe détermine la manière dont on peut formuler une affirmation en ce qui concerne l’objet. L’observateur est impliqué nécessairement dans le processus d’observation. Imaginons l’arc-en-ciel : je suis là, je le vois, je le regarde ; si je change de position, je le vois de manière différente, cela veut dire : il existe, mais il dépend également de l’angle de vue, donc c’est à la fois une entité concrète, même si elle est un peu fantomatique, et à la fois il dépend de ma position. Nous avons coupé avec l’objectivité dite forte de la physique classique. Maintenant, si je regarde, je provoque une événement, il y a une réponse par rapport à ma façon de poser la question.

En ce qui concerne le terme « évolution », qui fait référence depuis la modernité à la transformation des espèces (les unes dans les autres par moyen d’adaptation), nous constatons que ce genre de « transformisme » est une vision du réel, plus qu’une théorie scientifique aujourd’hui : il constitue pour l’étude du vivant le paradigme actuel. Nous ne nous proposons pas de dire quoi que ce soit sur le côté scientifique de l’affirmation de l’évolution, nous étudions surtout ses conséquences d’ordre théologique. Il y a à notre avis deux points d’interrogation. Le premier, d’ordre général, concerne les nouvelles découvertes scientifiques : quel rapport peut-on envisager entre leur interprétation d’ordre scientifique, philosophique et théologique ? Il y a trois types d’outils dans le travail du scientifique : d’abord les faits, c'est-à-dire les données, qui viennent à travers l’acquisition scientifique ; ensuite les modèles, c'est-à-dire des structures, symboliques ou pas, qui nous donnent une image de ce qu’on peut dire, de ce qu’on peut imaginer ; et enfin les théories scientifiques, qui se trouvent au niveau de l’interprétation (par exemple on a une théorie, mais il y a toujours plusieurs théories qui se disputent, et les théories également provoquent des recherches qui sont différentes, c'est-à-dire que telle théorie, mettant l’accent sur tel point, détermine un certain genre de recherches). Nous comprenons que c’est une chose de se placer dans le fait strictement scientifique (données, modèles, théories), c’est une autre chose de discuter des théories scientifiques en montant le niveau, c'est-à-dire les évoquer au niveau philosophique (philosophie des sciences), métaphysique, théologique, etc. Voilà le territoire où l’on peut se situer quand on discute avec les scientifiques. Concernant l’exégèse patristique du texte de la Genèse, quelle grille de lecture devons-nous choisir au vu de l’écart entre l’état actuel de la science et les savoirs disponibles à l’époque des Pères ? Le deuxième point, d’ordre anthropologique, concerne la possibilité d’acquérir une nouvelle perspective chrétienne sur l’homme, mieux adaptée aux acquis des sciences biologiques et par conséquent potentiellement plus crédible aujourd’hui : peut-on envisager de déplacer au second plan l’historicité du récit biblique par une lecture plus « symbolique » de la Genèse ?

Que peut nous apporter une lecture théologique pour notre compréhension concernant les premiers hommes ? Qui est Adam ? Le théologien Peter C. Bouteneff constate que dans les textes concernant la Genèse le terme « Adam » fait référence à trois réalités simultanées : à l’homme en général, à chaque personne humaine et à une personne unique qu’on appelle « Adam ».[3] Ainsi, pour les auteurs des Ecritures, ainsi que pour ceux des écrits deutéro-canoniques, Adam représente l’humanité, et il est également notre premier ancêtre dans une généalogie qui mène à Noé et aux générations suivantes. « Paul n’est pas contre un emploi sporadique de l’allégorie, mais il n’allégorise pas Adam », souligne Bouteneff, en concluant que « finalement Paul n’est pas intéressé par : qui est Adam ? », mais « plutôt par son rôle par rapport au Christ ».[4] Ainsi, la figure d’Adam est utile pour découvrir le Seigneur qui est son modèle[5], ou pour parler du mariage et de la vocation de chaque époux dans le Seigneur.[6]  

Par rapport à cette vision patristique qui nous propose une figure d’Adam évoquée, comme nous l’avons vu, sous trois aspects complémentaires  - l’homme en tant que personnalité collective, chaque personne humaine, et enfin la personne unique qu’on appelle « Adam » et qui a eu une existence historique comme chacun d’entre nous  - et qui font référence au nouvel Adam, le Seigneur Jésus-Christ, il nous semble que l’évolution soulève quelques points d’interrogation majeurs pour une vision anthropologique de nature patristique. Ainsi, depuis Darwin, il est habituel de dire que l’homme est le produit d’une mutation subie par un ancêtre commun du singe et de l’homme. Par conséquent, d’après cette hypothèse, les hommes primitifs, ancêtres de toute l’humanité, se distinguaient à peine des (autres) animaux, en tout cas beaucoup moins que nous aujourd’hui : la frontière homme-primate nous apparaît à ce moment, pour ce qui les concerne, extrêmement floue. Pourtant, le récit de la Genèse nous parle d’un Adam qui, ayant reçu le souffle de l’Esprit-Saint, était capable de connaître la création (il est appelé par Dieu à nommer les animaux, ce qui veut dire une compréhension ou connaissance, au sens fort du terme, de la nature de chaque être vivant) par l’exercice de sa conscience éclairée par la grâce de Dieu, faisant de lui le véritable roi de la création.

Constatons encore la tendance de certains qui choisissent de mettre l’accent sur Adam en tant que figure collective de l’humanité qui, s’étant éloignée de Dieu, cherche à s’en rapprocher et à la quête de laquelle le Christ serait la réponse. Ceux-ci vont ainsi jusqu’à négliger, voire rejeter l’existence historique d’Adam, car ils n’arrivent pas à concevoir une telle existence comme une charnière de l’animal et de l’homme : peut-on parler d’un « premier homme » dans le cadre d’un processus extrêmement lent qui serait celui de la transition entre l’état d’animal et l’état d’hominis ?

On évoque parfois une convention culturelle de l’époque biblique selon laquelle, pour rendre compte de l’identité d’un groupe humain, on en reportait les traits essentiels sur un ancêtre fondateur. On affirmait ainsi ce qui est commun à tous en montrant l’essentiel, le permanent, présent depuis le début. « Mettre en scène la figure d’un "premier couple" revient donc à parler de la condition humaine, en ce qu’elle a d’universel, de propre à chacun, en tout lieu et en tout temps ».[7] Adam, c’est chacun d’entre nous, peut-on entendre aujourd’hui. Pourtant, cette vision nous paraît conduire logiquement à une confusion redoutable entre le péché personnel, accompli par chaque être humain selon sa propre détermination et volonté, et le « péché adamique », perte de l’état de grâce initiale par l’Adam historique dont la conséquence est pour tous les hommes l’héritage par la naissance, d’une nature déchue, marquée par la faiblesse. Nous subissons les conséquences du « péché adamique », non par l’exercice de notre volonté, mais par l’hérédité qui nous incombe d’une nature humaine corrompue. Et c’est à nous de dire « non » au péché par notre choix d’une vie dans le Seigneur afin de passer « de la corruption héritée d’Adam au domaine de la Lumière éternelle du Christ », événement qui est, comme l’affirme l’archimandrite Sophrony, « incomparablement plus important que tout ce qui se déroule sur la terre »[8].

Le saint apôtre Paul, qui évoque clairement un Adam historique, ou au moins un Adam témoigné comme historique par le livre de la Genèse, dit : « Voilà pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi en tous les hommes la mort a passé, à cause de laquelle tous ont péché ; car jusqu’à la Loi il y avait du péché dans le monde, mais le péché n’est pas imputé quand il n’y a pas de loi ; cependant la mort a régné d’Adam à Moïse même sur ceux qui n’avaient pas péché d’une transgression semblable à celle d’Adam, figure de Celui qui devait venir […] Ainsi donc, comme la faute d’un seul homme a entraîné sur tous les hommes une condamnation, de même l’œuvre de justice d’un seul procure à tous une justification qui donne la vie. Comme en effet par la désobéissance d’un seul homme la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l’obéissance d’un seul la multitude sera-t-elle constituée juste. » (Rom. 5, 12-19)

Gardons à l’esprit les observations sur l’évolution. Je pense qu’il y a une sorte de pression diffuse dans les milieux culturels, intellectuels, scientifiques etc., qui pousse à ne pas trop s’investir ou à commencer à interpréter d’une manière plus symbolique, plus métaphorique le récit de la Genèse, et à ne pas s’inquiéter si on renonce à la présence d’un Adam historique parce que le fond le la théologie demeure. Mais en même temps c’est une vraie question de relation entre la théologie et la science. Ne risquons-nous pas de modifier notre vision théologique ?

Que faire ? Si nous acceptons cette nouvelle version, cette nouvelle vision, nous avons donc sous la pression de la culture scientifique une alternative, une nouvelle proposition par rapport à notre vision, telle que nous l’avons héritée de la part de la théologie, des Pères de l’Eglise qui se sont préoccupés de cela ? - c’est une vraie question aujourd’hui.

 

Un troisième défi : la question de la présence de la conscience humaine dans l’Univers

Du coté de la vie de l’Eglise, le cosmos nous parle de Dieu. Ainsi, dans nos offices, dans notre divine liturgie, le cosmos est un « vecteur » nous montrant son Créateur. Du côté scientifique, l’univers se dévoile, on peut le décrire à travers un nombre limité de paramètres universels. En cosmologie on travaille comme cela, on fait des modèles sur l’ordinateur, on voit ce que cela donne, on met des milliers de paramètres pour « créer un univers ». C’est ainsi que font les chercheurs : comme une sorte de démiurge, ils produisent des univers en manipulant des paramètres. Et c’est ainsi qu’ils ont constaté la difficulté d’arriver à obtenir la structure de notre univers physique concret. Dès qu’on modifie au niveau des petites fractions une constante universelle, l’univers prend un autre développement qui le fait différent de ce qu’il est aujourd’hui. En découvrant une série extraordinaire de coïncidences, au début du moins, on les avaient traitées comme des coïncidences. Mais certains scientifiques ont commencé à soupçonner que ce n’était pas possible d’avoir tant de « coïncidences » sans un principe ordonnateur, voire créateur: à tous les niveaux les paramètres de l’univers sont précisément choisis ; les Anglais parlent de fine tuning, d’une sorte de calibration extrêmement fine, pour que l’univers soit précisément celui d’aujourd’hui, permettant l’émergence de la vie.

Nous arrivons à nous rendre compte que l’univers s’est adapté à son tour à l’homme, bien avant même l’apparition de ce dernier, autrement dit qu’il a fait preuve au cours du temps d’une véritable « complicité » qui a conduit à l’émergence de la vie, et, plus encore, de la vie humaine. Nous voici devant une affirmation redoutable: portant le nom de « principe anthropique », elle traduit aujourd’hui le constat d’une étonnante calibration des constantes universelles, d’une longue chaîne des coïncidences aboutissant à ce que l’univers d’aujourd’hui soit précisément celui qui offre les conditions physico-chimiques parfaites pour l’apparition et le développement de la vie. Le laureat du prix Nobel en physique William D. Phillips exprime ce constat de la façon suivante: « La structure de l’Univers semble être mystérieusement adaptée au développement de la vie. Le moindre petit changement de l’une des constantes fondamentales de la nature [...] ou des conditions initiales de l’Univers [...] aurait été un obstacle au développement de la vie – telle que nous la connaissons. Pourquoi l’Univers est-il si incroyablement adapté à l’émergence de la vie? Et, plus encore, pourquoi l’Univers est-il si scrupuleusement adapté à notre existence à nous? » [9]

Si on évoque le potentiel de réalisation de l’univers dans une infinité de possibilités, et le fait que la moindre dérogation au niveau des valeurs courantes des constantes universelles donnerait un autre univers que celui que l’on connait actuellement, beaucoup moins accueillant ou tout simplement hostile à l’arrivée de la vie, cela nous donne à penser que la forme actuelle de l’univers ne peut pas être le fruit d’un hasard aveugle. Il nous faut donc rouvrir la question de sens oubliée depuis la modernité. Pour s’exprimer en termes de probabilités mathématiques, le fait que l’énorme chaîne des « bonnes coïncidences », qui nous paraît plutôt une sorte de « fine tunning » de toutes les valeurs favorisant la réalisation actuelle de l’univers, soit une seule possibilité parmi une infinité d’autres, a pour conséquence que la probabilité de l’existence de cet univers est quasi nulle. Et, pourtant, c’est cette version de l’univers, et non pas d’autres, qui est apparue.          

Il faut remarquer que le „principe anthropique” n’évoque pas uniquement l’apparition de la vie, ou même de la vie intelligente, mais surtout celle d’une conscience devant laquelle l’univers se laisse découvrir comme étant rationnel. Le principe anthropique nous parle donc de l’intelligibilité de l’univers pour des êtres capables d’entrer dans une relation intelligente avec lui. Encore plus, cette intelligibilité se révèle sur n’importe quelle échelle de magnitude, non pas uniquement au niveau macroscopique où l’homme « touche » avec ses sens, mais également au niveau de l’infiniment petit ou grand. Le fait est simplement remarquable.  

C’est à Brandon Carter que nous devons les versions « faible » (WAP – Weak Anthropic Principle) et « forte » (SAP – Strong Anthropic Principle) du principe anthropique, qui sont historiquement les premières formulations du principe. Il les a énoncés en 1974. Jean Staune fait la remarque que le principe faible ressemble à une tautologie, car il consiste à observer que si nous sommes là, il faut bien que l’univers ait les conditions requises pour permettre notre apparition.[10] Ainsi, le principe faible affirme : « Ce que nous pouvons nous attendre à observer doit être compatible avec les conditions nécessaires à notre présence en tant qu’observateurs ».[11] Sur une position plus finaliste, le principe fort de Brandon Carter statue : « Notre position dans l’Univers est nécessairement privilégiée dans le sens où elle doit être compatible avec notre existence en qualité d’observateurs ».[12]

Le principe anthropique connaît aujourd’hui beaucoup d’énoncés différents. Donnons quelques exemples de formulations différentes du SAP qui nous intéressent particulièrement en tant qu’affirmations en termes de finalité : « L’Univers (et donc les paramètres fondamentaux dont celui-ci dépend) doit être tel qu’il permette la naissance d’observateurs en son sein, à un certain stade de son développement ».[13] « Les éléments de l’Univers constituent une totalité cohérente – toutes sont interdépendantes – dont le fondement peut être trouvé dans l’élément humain ».[14] « Il y a une description unifiée et cohérente de l’Univers entier qui se fonde sur l’existence de l’observateur humain ».[15] Tous ces énoncés soulignent l’existence du facteur humain en tant qu’observateur de l’Univers et le fait que l’Univers a dû « produire » à un certain stade de son évolution cet observateur. Il y en a d’autres, comme celui de Barrow qui affirme simplement que « l’univers doit contenir la vie », ou de Barrow et Tipler qui font l’observation que « l’univers doit posséder des propriétés particulières qui permettent que la vie se développe à un certain stade de l’évolution de l’univers ».[16] Ils ne parlent plus d’observateur, il s’agit tout simplement de formulations qui insistent sur le fait remarquable de l’émergence de la vie dans l’univers.

 

Conclusions

Nous avons évoqué trois défis. Le premier concerne la science et la théologie en tant que démarches de connaissance : qu’est-ce que la science ? Qu’est-ce que la théologie ? Comment faire de la recherche théologique aujourd’hui ? Dans les milieux universitaires, notre façon de faire de la recherche théologique engendre une façon de vivre la vie de l’Eglise.

Le deuxième défi, c’est que nous sommes devant le monde en nous demandant : qu’est-ce que le réel ? Que nous dit le réel ? Comment nous parle-t-il ? Souvenons nous qu’on a parlé de trois niveaux de réalité, distingués entre eux par une « rupture » au niveau des lois physiques, et qu’à chaque niveau le cosmos nous parle. Pour mieux dire, Dieu nous parle à chaque niveau, quel que soit le niveau où on le cherche, ou bien, quel que soit le niveau où l’on cherche à comprendre le cosmos, Dieu peut nous parler.

Le troisième défi, c’est l’existence de la conscience humaine rationnelle, c'est-à-dire de quelqu’un qui raisonne dans l’univers, de quelqu’un qui est là et qui observe l’univers, un observateur comme chacun de nous. L’univers est fait pour nous, il nous parle, et bien entendu, théologiquement on peut encore ajouter que ce n’est pas uniquement l’univers mais une rationalité qui structure l’univers qui nous parle. Qui a mis cette rationalité ? Dieu parle à travers l’univers à l’homme.

Il y a également un quatrième défi issu des trois premiers. Il relève du registre du dialogue entre la théologie et la science. Le dialogue n’est ni scientifique, ni philosophique. On peut accepter une certaine médiation philosophique, il nous faut par exemple une interprétation d’ordre philosophique pour les réalités scientifiques afin de pouvoir dialoguer avec la théologie, mais ne faisons pas de la philosophie le médiateur par excellence. La théologie peut s’exprimer une fois qu’on a tiré des conclusions dans le registre de la philosophie des sciences, mais la discipline du dialogue n’est ni scientifique, ni philosophique. Nous voyons le dialogue comme expression d’une expérience à vivre dans l’Eglise, donc une démarche théologique. Sans « confisquer » le dialogue dans la théologie, comme certains d’aujourd’hui peuvent nous en accuser, il faut constater ce que disent les Pères de l’Eglise : quand ils ont parlé des rapports entre la théologie et la science, s’agissait-il chez eux de préoccupations extra-ecclésiales, comme un « hobby » aujourd’hui ? Bien sûr que non ! Quand ils ont répondu aux défis, ils ont répondu aux besoins intérieurs à la vie de l’Eglise.

Par conséquent, toute réflexion qui concerne les rapports entre la théologie et la science se passe pour nous à l’intérieur du laboratoire de la vie ecclésiale. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est répondre d’une manière spirituelle aux questions soulevées par la science. Ce sont les acquis de la science qui nous interrogent et chacun peut s’impliquer dans le dialogue entre la théologie et la science, parce que chacun, dans sa vie personnelle, peut ressentir le besoin de réponses.

 

[1] Jean Staune (éd.), Science et quête de sens, éd. Presses de la Renaissance, Paris, 2005, p. 9.

[2] Thierry Magnin, Quel Dieu pour un monde scientifique, éd. Nouvelle Cité, Paris, 1993, p. 12.

[3] Voir l’analyse de l’emploi du terme « Adam » dans le texte biblique proposée dans le vol. : Peter C. Bouteneff, Beginings – Ancient Christian Readings of the Biblical Creation Narrative, éd. Baker Academic, USA, 2008. pp. 127, p. 5.

[4] Ibidem, p. 40.

[5] Voir : Ibidem, p. 45.

[6] Voir : Ibidem, p. 45.

[7] Michel Salamolard, Dieu est Amour. Croire est possible. Le sens chrétien de la vie, éd. Saint-Augustin, Saint-Maurice/Suisse, 1999, p. 151.

[8] Archimandrite Sophrony, Voir Dieu tel qu’Il est, éd. Le sel de la terre & Cerf, 2004, Paris, p. 155.

[9] William D. Philips, Foi ordinaire, science ordinaire, dans le vol. Science et quête de sens, éd. Presses de la Renaissance, Paris, 2005, p. 268.

[10] Jean Staune, Notre existence a-t-elle un sens ? – une enquête scientifique et philosophique, éd. Presses de la Renaissance, Paris, 2007, p. 159.

[11] Jacques Demaret, Dominique Lambert, Le principe anthropique, l’homme est-il le centre de l’univers ? éd. Armand Colin, Paris, 1994, p. 143

[12] Ibidem, p. 144.

[13] Jean Staune, op. cit., p. 159.

[14] Jacques Demaret, Dominique Lambert, op. cit., p. 148.

[15] Ibidem, p. 148.

[16] Ibidem, p. 148.

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Père Răzvan Ionescu est le Recteur de la paroisse Sainte Parascève et Sainte Geneviève (Paris).