Science et Religion

Diacre Francis Linglet, Pour un ré-enchantement du monde

De tout temps, l’homme a ressenti le besoin de se forger une vision du monde. Vision cosmocentriste pour les peuples primitifs ou vision anthropocentriste appuyée par la renaissance et le siècle des lumières pour notre civilisation occidentale. Au Moyen Age, pourtant, la vision du monde relevait du domaine du merveilleux. Les systèmes planétaires étaient poussés par des anges, on ne savait trop comment. Mêlant observation et croyance, tout ce qui semblait inexplicable relevait du magique ou du Divin.

Puis, a l’aube de la modernité, nous voyons apparaître un monde explicatif basé sur le principe de la modélisation issu de la physique. Isaac Newton expose ses lois qui seront le fondement de la physique moderne. Bien qu’étant sans doute l’un des plus grands savants que la terre ait portés, Newton était un théologien chrétien, dont la pensée allait à l'opposé du mécanisme. Pourtant, à partir de là, la représentation du monde va connaître une évolution énorme, du moins en Occident et se réclamant de la physique newtonienne va relever d’ une conception mécaniste, bloquant tout accès à la spiritualité. Ce que la science ne peut expliquer aujourd’hui, elle l’expliquera demain.

Le scientisme s'est alors affirmé comme un dogme, voilant de sa puissance les autres niveaux plus subtils d'une même réalité. Véritable philosophie basée sur quatre siècles d'expérience et appuyée par les noms prestigieux de savants comme Newton, Descartes, Darwin, Pasteur et bien d'autres, le scientisme s'est accaparé la notion même de progrès.

Cette main mise sur la pensée associée à la certitude de détenir la vérité a dégénéré, la politique, la sociologie, la psychologie et la médecine se sont construites sur ce mode de pensée unique, voulant appliquer à l'homme un concept mécaniste.

Venons-en à une conférence donnée par Lord Kelvin en 1899. Ce physicien anglais, devant un parterre de savants, nous dit en substance: la science a tout expliqué. Notre siècle, utilisant les données amassées par les siècles précédents, a, d'équations en équations, permis de comprendre toute la mécanique et tous les systèmes. Tout est démontré. Quand nous connaissons chacun des éléments d'un système, nous sommes capables de reconstituer le système lui-même. Le monde est une horloge avec tous ses rouages. Lorsque je possède tous les rouages et la formule qui permet de les remonter, je peux arriver à l'horloge. Et Lord Kelvin ajoutait: les physiciens et les scientifiques du XXe vont s'ennuyer, car ils n'auront rien d'autre à faire qu'à appliquer les formules que nous avons édictées. Seuls deux petits nuages persistaient dans le ciel bleu de cette physique, mais ils étaient censés disparaître très vite. Ces deux points de détail étaient l'expérience de Michelson et Morley sur la vitesse de la lumière et le phénomène de déperdition d'énergie consécutif à l'échauffement des corps noirs. Ce sont effectivement des questions précises, très pointues, auxquelles la physique de Newton ne répond pas. Et son corps d'hypothèses ne permet pas de donner une explication logique à ces deux types d'expériences.

L'expérience de Michelson et Morley met en évidence que la vitesse relative de la lumière ne s’inscrit pas dans les critères de la physique de Newton. Quant à l'échauffement des corps noirs, si l'on y applique littéralement les équations tirées de la physique de Newton, on fait apparaître un dégagement d'énergie qui n’a rien à voir avec ce qui se passe expérimentalement.

A la fin du XIXe siècle, donc, il y avait simplement ces deux éléments comme des ombres isolées dans un monde où tout était explicable. L'homme semblait être arrivé sur terre par hasard, par une suite d’adaptations successives. On ne parlait pas encore de mutations génétiques, mais Darwin avait énoncé les lois de l'évolution, selon lesquelles l'homme n’était que le fruit du hasard et de la nécessité de la survie. Il errait dans un monde qui n'avait plus ni commencement ni fin, qui était une simple mécanique, un système d'horlogerie. Tout pouvait s'expliquer par la science. Quelque temps auparavant, Napoléon demandait au savant Laplace : «Et Dieu, dans tout cela? », Laplace répondait: «Je n'ai nul besoin de Dieu pour expliquer le monde. »

Au cours du XXe siècle, les deux petits nuages de la conférence de Lord Kelvin vont devenir des orages, des ouragans, des tempêtes monstrueuses qui vont tout balayer pour nous offrir aujourd’hui une nouvelle vision du monde.

Je vous propose donc maintenant un voyage au centre de ces deux tempêtes que sont l’astrophysique et la physique quantique…

Attachez vos ceintures !

 

De la relativité au Big Bang

En 1905, un jeune physicien allemand de 25 ans publie trois articles : l’un traitant du mouvement brownien (mouvement des atomes à l’intérieur d’un corps), un autre concernant l’effet photo-électrique et enfin un article très différent des deux premiers et traitant de la relativité…Vous l’avez reconnu ! c’est Albert Einstein

Il rend compte de l'expérience de Michelson et Morley en disant que, si la vitesse de la lumière ne rentre pas dans les normes édictées par la physique de Newton, c'est parce qu'elle est  « relative » et que nous ne pouvons pas avoir une perception s’inscrivant dans une description traditionnelle de la physique.

Einstein va montrer que l'espace et le temps sont mêlés. C'est une chose extraordinaire de savoir que, lorsque nous contemplons un ciel étoilé, ce n'est pas seulement de l'espace que nous avons devant nous, mais aussi du temps. Lorsque nous regardons une étoile lointaine, ce que nous voyons, c'est ce que cette étoile était lorsque la lumière l'a quittée. Si c'est le Soleil, c'est une représentation de ce qu’était notre étoile il y a environ huit minutes. Mais si c'est une étoile ou une galaxie, il peut s'être passé plusieurs milliers, voire plusieurs millions d'années depuis l'émission lumineuse. Donc nous observons notre passé en regardant le ciel étoilé.

Einstein nous montre que le rapport des trois dimensions de l'espace à la dimension du temps n'est pas aussi simple que le pensait Newton. La relativité restreinte fait s'imbriquer le temps et l'espace dans un système à quatre dimensions nous entraînant ainsi dans un monde nouveau, celui où, par exemple, l’objet observé peut varier de longueur en fonction de vitesse de l’observateur !

C'est déjà bouleversant, mais Einstein va aller plus loin et énoncer, quelques années plus tard, en 1916, la théorie de la relativité généralisée. Il y montre que la masse de la matière, et l’énergie qu’elle implique, interfère avec l'espace-temps. Ainsi un objet céleste comme le soleil va en quelque sorte déformer l'espace-temps autour de lui. La masse du soleil et le champ de gravité qui lui est liée incurvent l'espace-temps comme une bille en fer pourrait le faire d'un drap tendu sur un cadre.

Cette déformation de l'espace-temps par la gravité implique que la matière, l'espace et le temps sont imbriqués dans un même système. C'est une façon de penser complètement différente de celle de la physique de Newton. Il apparaît que la Terre tourne autour du Soleil en suivant des lignes qui traduisent la déformation de l'espace-temps par la masse gravitationnelle de celui-ci. Il est toujours très difficile, actuellement, de se représenter ce mélange de trois dimensions spatiales et d'une dimension temporelle, modifié par la présence d'une masse céleste.

Si la masse est trop importante, la déformation va devenir un puits sans fond, ce qui est la définition même du trou noir.

Ces théories d'Einstein ont eu des applications techniques considérables, elles ont rendu possible le voyage sur la Lune, elles ont apporté une compréhension plus fine des phénomènes célestes1. Mais cette liaison du temps à l’espace à fait réfléchir sur la nature même de l’univers. Est-il statique, existant de tout temps ou bien est-il en évolution permanente ?

Dans les années 1930, Edwin Hubble, astronome américain qui a donné son nom au télescope spatial, observe le ciel avec le télescope géant du mont Wilson. En regardant les galaxies, il s'aperçoit, grâce à la spectroscopie et à l’effet Doppler2, que chaque objet céleste émet une lumière dont la couleur est décalée vers le rouge, ce qui indique que cet objet s'éloigne de l'observateur. Et il lui semble que tous les objets lumineux qu'il observe dans son télescope s'éloignent à une vitesse d’autant plus grande qu'ils sont plus lointains.

Ainsi il semblerait que chaque observateur de l'Univers voie autour de lui des étoiles et des galaxies qui s'éloignent, et d'autant plus vite qu'elles sont plus loin de lui. A la suite de cela, toujours dans les années trente, certains chercheurs se sont dit: si les objets célestes s'éloignent constamment les uns des autres, on peut penser qu'il y a eu un moment où ils étaient très proches et se touchaient. Il est donc tout à fait possible d'imaginer que toute la matière existante était au départ rassemblée en un point. Puis quelque chose a donné naissance à un univers en expansion. C'est la première fois que l'on se représentait un tel début de l'univers, c'est la première fois que l'univers n'était pas vu comme statique, immuable.

Les astrophysiciens ont appelé Big Bang ce commencement de l'univers. Le mot, maintenant, est entré dans le langage courant, mais il est récent. Et il recouvre cette chose surprenante que nous disent les astrophysiciens: il y a eu une époque où tous ces objets célestes, que nous voyons ou que nous ne voyons pas, étaient comme concentrés en un seul point. Ce point originel est singulier. Nous ne savons pas l'atteindre, nous n'imaginons pas comment retourner à cet état, mais cependant, même s’il échappe à notre entendement, il a dû exister.

Il a dû y avoir une lumière très violente, très énergétique: le Big Bang est l'explosion originelle. Avec le temps, d'année en année, de millénaire en millénaire, cette lumière très énergétique s'est refroidie. Mais il doit rester des traces de son existence dans l’univers des traces de ce rayonnement primitif appelé rayonnement fossile par Georges Gamow en 1946 (travaux fondés sur ceux du mathématicien russe Alexandre Friedman et du chanoine belge Georges Lemaitre)

Dés lors, les astronomes se sont dit qu'il était encore possible d’observer ce qui reste de la lumière originelle. Tous n'étaient pas d'accord, mais beaucoup se lancèrent sur les traces du rayonnement fossile. Petit clin d’œil du hasard, en 1965, les chercheurs américains Penzias et Wilson, travaillant sur l’écoute du satellite Telstar, se trouvent gênés par une sorte de bruit de fond qu'ils n'arrivent pas à éliminer de leur radio-télescope par les moyens habituellement utilisés pour séparer et purifier les enregistrements significatifs. Et ils s'aperçoivent que ce mystérieux rayonnement à 3°Kelvin3 qu'ils sont en train d'enregistrer la lumière originelle, le rayonnement fossile du début de l'univers ! « Le rayonnement cosmologique était omniprésent et toujours égal à lui-même…de quelque endroit que vous l’observiez, d’une chambre ou du haut d’une montagne. » (TXT la mélodie secrète) 

L'mage du rayonnement fossile (voir satellite COBE avril 1992) représente ce que nous sommes capables de voir de notre monde lorsqu'il avait environ quatre cent mille ans d'âge, alors qu'il a environ une quinzaine de milliards d'années aujourd'hui. C'est donc comme une photographie de notre univers pratiquement en son début. Voir: http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosbig/decouv/ximg/croire/rayFoss/1.htm

La validité scientifique du Big Bang n'est pas confirmée, ce n'est pas un fait scientifique, mais c'est une hypothèse étayée, sérieuse, qui semble se consolider de mises à l’épreuve en mises à l’épreuve.

A partir de ce point très singulier et inaccessible, l'univers va se forger selon des plages de temps très brèves. C'est un domaine où apparaissent des chiffres que nous n'arrivons pas à saisir: Notre conscience n'a pas été éduquée, formée pour leur donner sens par rapport aux dimensions que nous utilisons habituellement. La première hypothèse que les astrophysiciens formulent, c'est-à-dire la première partie du monde qu'ils sont capables d'étudier, se situe 10-43 seconde après l'explosion originelle. C'est un temps très difficile à imaginer : 0,00000000000000000000000000000000000000000001 seconde.

Et tout se passe dans une sphère de diamètre inférieur à 10-33 centimètre, dix millions de milliards de milliards de fois plus petite qu'un atome d'hydrogène. Il n'est déjà pas facile d'imaginer la dimension d'un atome d'hydrogène. Si on le représentait par un point fait au stylo sur un papier et si on voulait représenter un cheveu à la même échelle, il faudrait que le cheveu ait plusieurs centaines de kilomètres de rayon pour que ce soit raisonnable. Descendre à une échelle dix millions de milliards de milliards de fois plus petite s’avère totalement inaccessible à la représentation.

Et pourtant tout est contenu dans cette particule d'énergie intense, où la température s'élève à 1032 degrés Kelvin. C'est une température qu'il nous est impossible également de nous représenter, nous qui sommes confrontés à des températures comprises entre –50 degrés centigrades, pour les régions les plus froides, et quelques centaines de degrés, lorsque nous sommes en présence de métaux en fusion.

Le contenu de cette infime sphère qu'est alors notre univers n'est pas organisé. Les astrophysiciens parlent de particules fantômes, d'énergie qui ne se matérialise pas encore.

Lorsqu'on passe à 10-32 secondes, l'univers a considérablement grossi puisqu'il mesure 8 centimètres. Le voilà de la taille d'une orange, alors qu'il était impalpable l'instant d'avant. C'est ce qu'Alan Guth appelle la période inflationniste. En même temps, sa température a baissé jusqu'à 1027 degrés Kelvin. Apparaissent les premières particules qui composent aujourd'hui énergie et matière, quarks et anti-quarks particules et anti-particules s’anéantissent dans la fournaise primitive… Mais il existe 1 milliard 1 quarks pour 1 milliard d'anti-quarks. Tout ne va donc pas s'annihiler dans un flou quantique qui aurait pu durer. Comme il existe un quark de plus par milliard de quarks et d'anti-quarks, il va rester de la matière. Apparaît ainsi, comme le dit Trinh Xuan Thuan, la première chance de l'univers, la chance pour qu'il existe de la matière. Nous sommes à 10-32 secondes !

A 10-4 seconde, l'augmentation de taille est énorme, puisque l'univers a pratiquement la taille du système solaire. Il a aussi considérablement refroidi: autour de 10 000 milliards de degrés. C'est la période où peuvent se constituer des électrons, des neutrinos, quelques neutrons et protons. Ces éléments, les briques constitutives de la matière sont apparues à ce moment.

A 1 seconde, c'est l'ère des leptons, la température est encore de 1000 milliards de degrés, mais les particules sont vraiment formées. Et à 3 minutes, nous sommes en présence d'un nuage qui contient des atomes d'hydrogène et d'hélium. Ce sont les deux premiers corps qui se sont formés. Mais le nuage est désormais trop froid pour qu'il y ait interaction entre noyaux et particules. Si ce nuage avait comporté une répartition homogène de l'hélium et de l'hydrogène: tout pouvait s'arrêter là. Mais, et c'est la deuxième chance de l'univers, en certains endroits, il y a un peu plus de matière qu'ailleurs !

C'est ce que les astrophysiciens appellent des semences de galaxies. Dans ces endroits, la gravitation va être plus forte, et y concentrer les éléments hélium et hydrogène, pour former les étoiles de la première génération. La gravitation va condenser l'énergie dans ces étoiles, les échauffer fortement, faire d'elles ce que l'on appelle des fours solaires à l'intérieur desquels les réactions nucléaires vont à nouveau reprendre et se développer.

Apparaissent alors les divers éléments plus lourds que l'hélium, dont l'oxygène, l'azote, le carbone, principaux constituants des êtres vivants, et aussi des éléments encore plus lourds, comme le silicium. Les étoiles, en vieillissant, explosent, dispersent leur matière et une génération suivante d'étoiles va concentrer à nouveau de l'énergie. Mais, à la différence des étoiles de la première génération, elles se constituent non seulement à partir de l’hydrogène et de l’hélium, mais également des premiers éléments lourds déjà formés. Ainsi elles s'échauffent et connaissent des phénomènes de fusion atomique qui produisent les atomes de tous les éléments que nous connaissons aujourd'hui.

Au bout d'un milliard d'années, l'univers n'est plus qu'à 10 degrés Kelvin. Aucune réaction nucléaire n'est plus possible à cette température. Seuls les fours solaires des étoiles le permettent encore.

Nous sommes aujourd'hui dans un univers âgé d'environ 15 milliards d'années, globalement froid, avec une température de fond de 2,7°K. et d'une multitude de galaxies, chacune d'elles constituée d'une multitude d'étoiles.

Voici donc notre histoire, fabuleusement surprenante, partant d’une singularité primordiale infiniment petite(10-33cm) pour parvenir, quinze milliards d’années plus tard, à l’univers actuel tout aussi inimaginable par sa grandeur (10 27cm) et par la multitude d'étoiles et de galaxies qu'il contient, puisque c'est par milliards de milliards qu'il faut compter les objets célestes.

Voici donc un univers avec une naissance puis une évolution, comme un être vivant. Quel est son devenir ? Nous ne le savons pas. Les astrophysiciens cherchent et émettent deux hypothèses contradictoires qui dépendent de la masse totale de la matière existante. Or celle-ci est inconnue, puisqu'il semble exister une grande quantité de matière invisible, obscure, en quantité peut-être supérieure, et de loin, à celle que l'on peut observer dans les objets célestes. Soit la part inconnue de cette masse de l'univers est suffisante pour qu'il se replie sur lui-même au terme d'un certain temps d'expansion. Nous en arrivons alors à la théorie du Big Crunch, le grand écrasement, et l'univers revenant à son état originel, se contractant jusqu'à la taille qu'il avait au départ. Soit la masse de l'univers est trop faible, et il va continuer à évoluer dans le même sens, poursuivre son expansion à jamais.

Ce qu'il faut retenir, ce sont les diverses chances que l'univers a connues. Trinh Xuan Thuan dit que pour que s'enchaîne cette série de hasards extraordinaires, pour que les atomes puissent se constituer, il y a à peu près la même chance qu'aurait un archer de planter une flèche sur une cible située à l'autre bout de l'univers, c'est-à-dire distante de 15 milliards d'année-lumière. C'est une probabilité pratiquement nulle. Et Thuan dit alors, avec beaucoup d'autres chercheurs, que l'homme est lié à l'univers, qu'il est impliqué dans sa création, dans sa mélodie secrète. Freeman Dyson va plus loin en disant: « Quelque part, il(l’univers) savait que l’homme allait venir » énonçant le principe anthropique qui resitue l’homme dans l’univers, non plus au centre comme avec l’anthropocentrisme, mais bien comme faisant partie intégrante d’un dessein qui nous dépasse.

Tel est le devenir du premier petit nuage qui planait dans le ciel limpide de la physique de la fin du 19em siècle. Loin de se dissiper par la vertu d’une formule de physique classique, il nous conduit à une vision totalement différente de l'univers. La vision d'un univers vivant. Un univers dont nous faisons intimement partie, de par notre constitution même puisque la matière dont nous sommes fais possède la même origine que tous les autres constituants du cosmos !       

Elles restent, à ce jour, les théories les mieux vérifiées relativement aux observations concernant le cosmos, c’est à dire de l’infiniment grand.

Comme le bruit de la sonnerie d’un passage à niveau ne possède pas la même fréquence pour un observateur situé dans le train selon qu’il s’en approche ou qu’il s’en éloigne, les raies spectrales se décalent en fonction du mouvement de l’objet observé. C’est ce même principe qui s’applique aux radars de détection de la vitesse des automobiles…

L’échelle de mesure de la température en degrés Kelvin débute au zéro absolu qui correspond à –273° Celcius

  

La physique quantique: ondes et particules

Le deuxième petit nuage qui planait sur la physique était l'échauffement des corps noirs. Là, c'est Max Planck qui ouvre la boite à pandore, sans savoir exactement ce qui allait sortir de sa réflexion, il montre que l'énergie ne sort pas du corps noir d'une manière linéaire, continue, mais par petites quantités, qu'il va appeler des quanta. L’analogie peut être faite avec un distributeur de billet, seule des coupures de cinq euro peuvent être distribuées, ce qui ne nie pas l’existence de sommes plus petites (des pièces de 0,5 1 ou 2 € existent mais ne peuvent être appréhendées )

La théorie quantique va donner naissance, chez de nombreux physiciens, à une réflexion sur l'infiniment petit, parallèle à celle que mènent les astrophysiciens sur l'infiniment grand. L'enjeu en est la compréhension de ce qu'est exactement cette matière qui s'est constituée à partir du Big Bang.

A la fin du siècle dernier, on pense que la matière est composée de briques élémentaires qui s'assemblent. Ce qui reste la représentation de beaucoup d'entre nous. Les chercheurs ayant pu remonter de la molécule à l'atome, puis au neutron, au proton et à l'électron, et, enfin aux quarks, ils pouvaient penser arriver à l'objet unique, élémentaire, qui servirait de brique au tout. ( plurimultidinisme)

Ainsi on ne sort pas d’une optique mécaniste, où l'on estime pouvoir reconstituer n’importe quel objet, y compris l'univers, dès que l'on connaît tous ses constituants. La physique quantique va obliger à une toute autre approche, à une compréhension toute différente.

Tout commence à nouveau avec Einstein et avec la lumière. La lumière a toujours été pour l'homme un objet de recherche.

Des expériences comme celles de Young avaient, au début du XIXe siècle, mis en évidence une similitude entre la lumière et les systèmes d'ondes. Young a d'abord fait passer de la lumière à travers un trou unique et observé ce qu'il voyait sur un écran. Lorsque le trou est suffisamment petit, au lieu d'obtenir un point lumineux, il a vu apparaître une tache circulaire aux bords flous et mis ainsi en évidence la diffraction de la lumière.

Puis il a fait passer la lumière par deux trous. En faisant varier la distance des trous, il a pu obtenir des franges d'interférence. Ces deux phénomènes sont incompatibles avec une représentation de la lumière comme un flux de particules se déplaçant en ligne droite. Par contre, l'apparition des franges d'interférence est à rapprocher de ce qui se passe lorsqu'on lance un caillou sur une surface d'eau très plate. Tout autour du point où le caillou est tombé, des ondes circulaires se propagent, avec des points hauts et des points bas, des crêtes et des creux circulaires. Si je jette un second caillou, les deux systèmes d'ondes vont interférer entre eux. Lorsque deux crêtes se rencontreront, cela donnera une crête très haute, mais si une crête rencontre un creux, les deux s'annuleront et la surface liquide restera plate.

Les interférences lumineuses s'expliquent de la même manière, si la lumière peut être décrite comme un phénomène ondulatoire. Les franges brillantes correspondent aux points où deux ondes lumineuses ajoutent leur lumière, car elles y présentent toutes les deux une crête, les franges sombres, aux points où une crête se combine avec un creux. Les expériences de Young démontrent ainsi le caractère ondulatoire de la lumière.

Or, une onde ne peut se déplacer que sur un support. Dans le cas du caillou, le support du système d'ondes, c'est le plan d'eau. Quand je parle, les vibrations que provoquent mes paroles sont portées par l'air. La lumière devait, elle aussi, bénéficier d’un support pour se propager. Mais la lumière des objets célestes nous parvient après s'être propagée à travers un espace où il n'y a pas d'air. Pour garder à la lumière son caractère ondulatoire, le XIXe siècle avait supposé que l'espace soit composé d'éther, milieu qui pouvait ainsi servir de support aux ondes lumineuses. Nul n'avait pu mettre directement en évidence quelque chose qui ressemble à l'éther dans l'espace. Nous sommes là en présence d'une hypothèse faite uniquement pour valider la théorie ondulatoire de la lumière.

Retrouvons Albert Einstein. Grâce à ses expériences sur l’effet photoélectrique, il démontre que la lumière doit être comprise comme un courant de particules infimes, presque sans masse, appelées photons. Si la découverte de l’aspect particulaire rend compte du déplacement de la lumière dans le vide, qu’en est-il des propriétés mises en évidence par Youg. ?.

Voici donc la lumière qui possède des propriétés d'onde, mais qui se présente également comme un flux de particules.Il apparaît dés lors passionnant de reprendre l'expérience des fentes de Young de façon plus complexe.

La technique actuelle de laboratoire permet de concevoir un dispositif émettant un photon à la fois. Avec ce canon à photon il devient possible d’envoyer sur un écran, a travers deux fentes, non plus un flux lumineux continu, mais des photons un par un, l’écran étant matérialisé par une plaque photosensible, sur laquelle chaque photon laisse une trace d'impact.

Au début, la figure est assez floue, comme si les photons se répartissaient d'une manière à peu près aléatoire. Mais à mesure que le nombre de photons augmente, les interférences apparaissent.

Il est très important de comprendre ce point: en faisant arriver des photons un par un (donc selon leur comportement particulaire), sur une plaque percée de deux fentes, on obtient le même résultat que s'ils étaient tous ensembles (donc selon leur comportement ondulatoire).

Force est de constater que l’expérience se passe comme si chacun des photons passait par les deux trous et interférait avec lui-même !

Voilà à quelles difficultés de compréhension se heurte la physique quantique, à quoi l'on est affronté lorsqu'on doit rendre compte des objets quantiques et de l'infiniment petit. Nous ne sommes plus en présence d’objet dont nous pouvons décrire la forme, la masse, la situation et le déplacement dans l’espace. Nous sommes en présence d’éléments qui sont à la fois une onde et/ou une particule.

Pour expliquer cela, le physicien Erwin Schrödinger a tenté de transcrire dans le domaine du visible, du macroscopique, ce qui se passe dans le domaine de l'infiniment petit quantique. Que se passerait-il si ces événements avaient lieu à notre échelle_? Schrödinger a imaginé l'expérience du chat, devenue célèbre.

Supposons un chat, enfermé dans une boîte, et sur l'une des faces, deux orifices, exactement comme dans l'expérience de Young. On l'a vu, la seule explication possible est une contradiction: le photon passe par les deux fentes à la fois. Pour se donner les moyens de lever la contradiction, Schrödinger précise: si le photon passe par la fente supérieure, il active un mécanisme qui fait tomber un marteau, lequel brise un flacon contenant du poison. Le chat respire le poison, le chat est mort. Si le photon passe par la fente inférieure, il ne se passe rien, le mécanisme n'est pas activé et le chat est vivant. L'expérience sur les photons semble indiquer que chaque photon passe par les deux trous à la fois, ce qui revient à dire que, dans la boîte, il y a un chat qui est à la fois vivant et mort. Les deux états coexistent.

Cependant, lorsque je vais ouvrir la boîte, je trouverai nécessairement un chat vivant OU mort, car il n'existe pas de chat qui soit à la fois vivant ET mort. Nous sommes en présence de deux possibilités d'existence d'un état, et c’est l’observateur lui-même qui va réduire ces deux possibilités à une seule au moment où il va observer l'événement.

C'est une remarque fondamentale en physique quantique: il existe plusieurs états possibles, plusieurs probabilités d'états, et lorsque j’effectue une observation, je réduis ces possibilités à un seul état. Lorsque j'ouvre la boîte, je réduis le système à un état, et je vais trouve un chat vivant ou un chat mort. Et Schrödinger n'hésite pas à dire que c'est la conscience de l’observateur, son activité consciente, qui réduit l'onde, en quelque sorte, à l'état de particule. Cette affirmation est absolument fondamentale: Elle va changer toute la perception des choses, toute la logique de la pensée, car il n'y a plus de matérialisme à un tel niveau, il y a matérialisation d'un système ondulatoire par l'intervention d'un observateur.

Il en est de même pour toutes les particules de matière. Toute particule peut être considérée comme une fonction d'onde non localisée, qui s'étend à tout l'espace, et cette fonction d'onde n'est réduite à l'état de particule que lorsqu'un observateur décide de regarder son aspect matériel.

Nous avons tous une vision de l'atome apprise au cours de nos études : Un noyau au centre, comme le soleil, et des électrons qui tournent autour, comme des planètes. Mais cela n'existe pas dans l'infiniment petit. Il n'y a pas de noyaux sous la forme de particules isolées ni d'électrons qui tournent, il y a seulement le probabilité de l'existence d'un objet à un endroit donné.

Quand un physicien décide de localiser un objet quantique, il peut le faire, mais à ce moment, il ne peut connaître ni sa masse ni sa vitesse. Et s'il décide de mesurer sa masse, il ne peut connaître exactement ni sa vitesse, ni sa position : C’est le principe d’incertitude d’Heinsenberg.

Au niveau quantique, la matière n’existe pas telle que nous la connaissons. Si l'on cherchait à voir de plus en plus petit dans les matériaux constitutifs d’un objet quelconque, on n'arriverait pas à trouver une brique élémentaire. La physique nous dit et nous montre que nous arriverions simplement à trouver une fonction d'onde, entité mathématique abstraite, qui n'est pas localisée à un endroit précis mais qui vaut dans tout l'espace, et qui se relie à des conditions locales par les équations de Schrödinger, établies autour de 1925. Force est de constater que nous ne sommes plus dans le même niveau de réalité !

Einstein, dès ce moment, se trouve gêné par l'approche quantique. Il ne croit pas qu'une fonction d'onde puisse être étendue à la totalité de l'espace. Avec deux de ses élèves, Podolsky et Rosen, il s'efforce de montrer que c'est impossible en développant, dans un article devenu célèbre, le paradoxe EPR.

Imaginons deux particules, deux objets quantiques qui apparaissent à la suite de la désintégration d'une même particule. Elles sont représentées par une seule fonction d'onde, une seule équation les décrit. Elles se séparent et s'éloignent l'une de l'autre. Lorsque je vais interférer avec l'un de ces objets, effectuer une certaine mesure, par exemple, l'autre, qui est très éloigné, va être influencé par ma mesure, puisqu'il est décrit par la même fonction d'onde et qu'il y a interaction entre l'appareil de mesure et l'objet mesuré. C'est ce que prétend la physique quantique: ces deux objets, même extrêmement éloignés, demeurent inséparables, et si l'on agit sur l'un, on agit instantanément sur l'autre, quelle que soit la distance qui les sépare.

C'est ce qu'Einstein ne veut pas admettre: Car cela revient à supposer que de l'information ait circulé d'une particule à l'autre à une vitesse infinie, c'est-à-dire en dehors de l'espace-temps relativiste défini par la relativité générale. Poser la non-séparabilité des particules, comme le demande la théorie quantique, implique une forme de relation au-delà du temps et de l'espace qui unirait toute la matière.

Le débat a été vif entre les physiciens, les uns étant d'accord avec Einstein, les autres avec la théorie quantique. C'est ce qui a permis à David Bohm de dire que tout est vrai, finalement, parce que ce que nous croyons être la réalité ne l'est pas, en fait. Notre monde n'est que la représentation d'un autre monde. Il existe un monde de base, une réalité fondamentale dont nous sommes l'image, et c'est parce que nous sommes au niveau de l'image que des phénomènes comme celui-ci sont possibles.

Bernard d'Espagnat, à la fois physicien et philosophe, parle de réel voilé. Il y a comme un voile qui est jeté sur le réel, et ce que nous voyons n'est pas la réalité des choses, mais la représentation que nous nous en donnons. Et si la matière que nous observons dans la vie courante semble stable, cela est du au fait qu’elle se trouve dans une situation de « décohérence » par rapport aux fonctions d’onde qui la concernent, comme si elle se voyait détachée d’une réalité profonde qui nous est inaccessible pour se révéler dans la réalité empirique du quotidien.

En 1964 un mathématicien, John Stewart Bell, a mis au point un dispositif d'inégalités très complexes permettant de trancher ente Einstein et la physique quantique. Si ces inégalités sont vérifiées, Einstein a raison et les particules sont séparées. Si on trouve des cas où elles se trouvent violées, c'est la théorie quantique qui est justifiée, et les particules partageront effectivement une information qui circule de manière instantanée, plus vite que la vitesse de la lumière, en dehors donc du temps et de l'espace.

Or en 1982, Alain Aspect, à Orsay, a pu mettre en évidence la violation des inégalités de Bell, expérience qui a été, depuis, reproduite à plusieurs reprises. Il a ainsi démontré expérimentalement la validité de la théorie quantique et la non-séparabilité des particules originairement liées. Nous ne sommes plus en présence d'une hypothèse scientifique, encore moins d'une croyance d'un ordre quelconque, mais d'un fait scientifique: chaque élément, chaque objet quantique qui a interagi avec un autre objet quantique se trouve en quelque sorte uni à lui d'une façon intime et permanente, quel que soit le temps écoulé depuis la séparation, quelle que soit la distance qui les sépare.

La mécanique quantique introduit l'idée de discontinuité, de flèche du temps réversible et nous montre la coexistence d'une même réalité sous la forme d'onde et/ou de particule. En fait un quantum est à la foi onde et particule ou plus exactement ni onde ni particule. Dans une vision classique, A n'est pas équivalent à non A et il n'existe pas de possibilité de passage entre les deux événements. Mais la mécanique quantique nous apprend qu'il existe dans chaque inéquation A/ nonA un élément, le « tiers inclus » T, qui permet le passage entre A et non A. Cette vision nous entraîne vers un schéma moins classique où les opposés ne sont plus totalement contradictoires. La démonstration de la non séparabilité quantique fait entrer en force la notion de causalité globale dans le monde de la pensée scientifique et va proposer un bouleversement de la logique.

Une nouvelle logique devient incontournable, elle implique la prise en compte simultanée de plusieurs niveaux de réalité. Dans le domaine purement mécaniste, la logique de la causalité locale continue ,certes, de bien fonctionner : il ne viendrait à l’idée de personne d’introduire un troisième sens de circulation sur une autoroute, mais lorsqu’on cherche par contre à l'appliquer dans des domaines comme le bien et le mal, l'amour et la haine, la maladie et la santé, cela ne va pas sans difficultés. Les grands troubles de notre époque nous montrent combien ça ne marche pas. La réponse est-elle dans la causalité globale? Une analyse intégrant la causalité globale et par-là même la conciliation des opposés ouvrirait sans doute une voie nouvelle.

Cette vision nouvelle, totalement épaulée par la recherche fondamentale, loin d’exclure, comme le scientisme, l’idée d’un autre niveau, d’un autre plan de réalité, démontre l’existence d’au moins un autre niveau de réalité: celui de la physique quantique. Et, plus encore, ne peu plus interdire la réalité d’autres plans de réalité.

Le rapide voyage que nous venons de réaliser révèle quelque chose de bouleversant, qui change complètement la conception que nous pouvions avoir du monde. Il suffit de se rappeler que, dans l’hypothèse du Big Bang, tout l'univers a été condensé en une seule et même singularité, une seule et même fonction ondulatoire. La certitude scientifique qui s'attache à la physique quantique permet d'affirmer que toute particule qui a été représentée par la même fonction d'onde qu'une autre particule reste en permanence en relation avec elle.

On peut donc penser, à titre d'hypothèse, que tous les atomes dont nous sommes faits, sont en relation permanente avec tous les atomes des étoiles, des galaxies les plus lointaines. L'univers apparaîtrait alors comme une unité, à l'exact opposé de ce que pouvait dire Jacques Monod il y a quelques années: L'unité de l'univers relève de moins en moins d'une vision mythique pour se rapprocher peu à peu d'une vision scientifique.

C'est à la fois quelque chose d'important et de rassurant, lorsqu'il s'agit de réfléchir à sa propre attitude spirituelle.

Nous avons vécu, je pense avoir eu la chance de vivre, à une époque où nous sommes passés d'une science close, qui fermait les portes, qui rejetait toute forme différente de pensée, à quelque chose de fondamentalement nouveau. La science actuelle, la nouvelle science charpentée autour de l'astrophysique et de la physique quantique nous donne l'espace nécessaire, la possibilité de placer l'hypothèse de Dieu. C'est une condition nécessaire, même si elle n'est évidemment pas suffisante, puisqu'on peut sans doute dans le même cadre placer d'autres hypothèses. Toute personne qui décide d'avoir une attitude spirituelle, n'a plus à redouter de voir se dresser en face d'elle le scientifique qui lui démontrerait que sa démarche est vide ou fausse.

 

Remerciements :

Pour les rencontres, les partages et les écrits de

Jean Staune (à qui je dois la quasi-totalité du présent article)

Trinh Xuan Thuan

De l’université interdisciplinaire de Paris

 

Père Philippe Dautais

Du centre d’étude et de prière de Sainte-Croix

Alain Artaud et Yves Maître pour leur précieuse collaboration

Institut Saint Serges (enseignement théologique)

Philippe Vaillant

               

               

Pour avoir écouté et lu

 

Bernard d’Espagnat

Jean François Lambert

Sven Ortoli

Jean-Pierre Pharabod

Jean-Pierre Luminet

Jean-Marie Pelt

Bassarb Nicolescu