Andreea Ionescu, Conception et contraception (Ière partie)
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- Publication : mardi 19 mai 2015 09:22
- Écrit par pr. Razvan Ionescu
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Avant-propos
Le statut de l'embryon
© Andreea Ionescu 2015 - Toute reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur
Avant-propos
Depuis quelques dizaines d’années, les progrès enregistrés dans le domaine des technologies biomédicales rendent nécessaire une évaluation éthique de ces découvertes et de leur emploi. C’est le rôle de la bioéthique de proposer une perspective éthique à des problèmes comme : le génie génétique, la fécondation artificielle, l’avortement, l’euthanasie, le suicide assisté, etc. Ce sont des problèmes majeurs, graves, qui préoccupent l’humanité aujourd’hui. Mon travail concerne, cependant, un « tout petit » sujet, presque inexistant dans les traités de bioéthique. Car il n’est même pas considéré comme problème, ou il est considéré comme un problème résolu : la contraception. Pourquoi « problème résolu » ? Parce que, du point de vue chrétien, et même orthodoxe, on parle déjà d’une certaine ouverture vis-à-vis du sujet. Mais, faute d’informations claires et précises offertes par le monde médical d’aujourd’hui, on ne s’inquiète plus quant aux différences entre les méthodes contraceptives et les conséquences que l’usage de certaines méthodes entraînent.
L’idée de faire une étude sur la contraception m’est venue en intervenant en tant qu’interprète auprès des services gynécologiques des différentes institutions : hôpitaux, PMI (Protection maternelle et infantile), etc., où j’ai rencontré des situations qui m’ont fait me poser des questions sur ce sujet.
Je donnerai pour illustrer deux exemples de telles situations, évidemment, tout en gardant l’anonymat des personnes en cause et donc le secret professionnel auquel je suis tenue.
Une mineure qui avait fait un IVG est convoquée par le gynécologue pour la mise en place d’une contraception. Le médecin lui présente la liste de tous les moyens de contraception, en lui expliquant qu’ils sont tous pareils (c’est à dire, c’est la forme qui diffère, mais l’effet est le même), et en lui demandant d’en choisir un. L’attention de la fille est attirée par l’implant sous-cutané. Alors, par pure et sincère curiosité, je demande si ce moyen a des effets secondaires et on me répond que ce serait uniquement l’arrêt des règles. Du coup, la fille choisit la pilule. En sortant, je demande quelle différence aurait fait pour elle un arrêt des règles. Elle me dit : ne plus avoir des règles signifie ne plus être femme.
De même, une jeune femme consulte un gynécologue pour la prescription d’une pilule. Elle n’en est pas très contente, car elle a grossi à cause de celle qu’elle avait eue. On lui répond que si elle ne l’aime pas, on peut lui mettre un stérilet, car c’est exactement la même chose, et, en plus, ça lui fait éviter l’oubli de la pilule. Sinon, il y a cinquante types de pilules, et on a tout le temps d’en essayer, jusqu’à ce qu’on trouve une qui n’a pas d’effet secondaire non désiré pour elle...
C’est en général le type de discours qu’on rencontre dans les services gynécologiques au sujet de la contraception. Les guides de la contraception et, en général, la « vulgarisation » des moyens contraceptifs sous toutes les formes, contiennent, eux aussi, une information très générale, qui rend très difficile aux « consommateurs » la tâche de discerner. D’autant plus que le grand public n’a pas le temps ou la disponibilité ou même pas la préparation nécessaire pour consulter des traités de spécialité.
Ce qui est le plus grave, c’est la manière dont ce matériel est construit et présenté et surtout le message qu’il veut faire passer aux jeunes. Il s’agit notamment des affiches, brochures et dépliants réalisés soit par le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, soit par les différents organismes français (comme le Mouvement Français pour le Planning Familial), soit par les fabricants et fournisseurs de contraceptifs eux-mêmes, qui contiennent des slogans commerciaux, (que j’analyserai plus tard), qui induisent aux jeunes les « nouvelles conceptions », rompant avec la morale et la tradition « ancienne, périmée », de la famille. Et si ces jeunes ne communiquent plus avec leurs parents, et si la morale issue de la foi ne les attire pas, où vont-ils trouver leurs repères et leurs confidents, sinon dans ces brochures, ou chez les conseillères des organismes, qui leur garantissent, en plus, l’anonymat absolu ?
La contraception fait partie du planning familial, c’est à dire la planification des naissances choisie par le couple[1]. Les repères que l’Orthodoxie en offre ne sont pas toujours les mêmes. L’Église Orthodoxe n’a pas une position officielle, et cela s’explique, tout d’abord, par le fait qu’elle ne conçoit pas de règles qui soient généralement valables et qui s’appliquent, par conséquent, à tout le monde. Au contraire, dans l’Orthodoxie, chaque décision doit être prise dans la logique du cas par cas, par la personne concernée et sous le guidage de son père spirituel (cela n’excluant pas, dans la prise des décisions, le respect des valeurs fondamentales promues depuis toujours par l’Église). Une autre explication serait le fait que tous les théologiens n’ont pas la même opinion sur le planning, certains considérant la procréation comme le but principal du mariage et la justification d’une relation sexuelle, car le mariage chrétien participe directement à l’œuvre créatrice de Dieu par la conception et la mise au monde des enfants[2]. Cependant, si l’Église Catholique rejette totalement, on le sait, le planning familial, des évêques et pères spirituels orthodoxes affirment aujourd’hui que les couples peuvent faire recours à certains moyens de contrôle de la fertilité, si ces moyens « ne sont pas abortifs et s’il y a une cause sérieuse pour la prévention temporaire de la grossesse »[3]. Empêcher la procréation n’est pas une normalité, et on ne parle pas ici d’une bénédiction de l’Église, mais d’une décision qu’elle prend « par œconomia », en tant qu’Église bien ancrée dans le quotidien, par compréhension pour les problèmes et les souffrances de l’homme contemporain.
Il y a donc les deux conditions, que nous venons de mentionner, qui sont posées aux couples, dont la première est de ne pas utiliser une contraception avec des effets abortifs, et c’est sur cette condition-ci que le travail présent va se pencher, car l’expérience nous a montré qu’on ne sait pas toujours ce qui est abortif et ce qui ne l’est pas dans la contraception.
Ce que je me propose dans ce travail c’est de faire la discrimination entre « contraception préventive » et « contraception abortive », qu’on ne fait pas dans la pratique médicale courante. Je veux dire par cela que la distinction existe, qu’on peut la trouver dans certains articles ou livres de spécialité[4], mais on ne la mentionne jamais devant le patient (dans la plupart des cas, désorienté).
J’appellerai contraception préventive les moyens qui agissent avant la conception et qui ont pour but d’empêcher celle-ci de se produire. Il s’ensuit que la contraception abortive[5] se réfère à tout moyen qui agit après le moment de la conception afin de détruire l’œuf ou l’embryon qui vient d’être conçu.
Cela met, évidemment, en cause le statut de l’embryon. L’Église Orthodoxe lui reconnaît le statut d’être humain dès sa conception, mais, malheureusement, cette réalité ne se reflète pas dans les actions de l’homme d’aujourd’hui. Le statut de l’embryon est, dans la perspective que j’ai proposée, le point central et la source principale de repères pour le problème de la contraception. Il constituera, pour cette raison, le sujet du premier chapitre de ce travail. Ensuite, il m’a paru important, avant de définir la contraception, d’essayer de donner quelques repères sur la notion de conception, afin de mieux pouvoir développer une réflexion sur le sujet de mon intérêt.
Le travail sera, par conséquent, structuré en trois parties :
- Le statut de l’embryon
- La conception
- La contraception.
Le premier chapitre se propose de réaliser une image globale des perspectives contemporaines sur le statut de l’embryon, telles qu’elles sont reflétées dans la société française, suivie, en guise de conclusion, par une perspective chrétienne orthodoxe.
Les deux dernières parties sont symétriquement conçues, pour faciliter la possibilité d’un regard comparatif sur les deux. Ainsi, chaque partie comprend une courte histoire et évolution du concept, ainsi que des propos recueillis dans la Bible et chez les Pères de l’Eglise, afin de fournir un fondement théologique aux réalités de l’époque actuelle. Chaque partie se termine avec une évaluation de la situation aujourd’hui, avec un passage en revue des techniques actuelles de conception et contraception, et des conséquences que leur mise en pratique entraîne.
Le travail comprend également deux annexes : Lexique de spécialité, avec des termes médicaux que nous avons expliqués pour faciliter la lecture de cette étude ; ces termes sont marqués par un astérisque (*) lors de leur première occurrence dans le texte, et Images.
Cette étude ne se propose pas d’analyser la moralité, la légitimité du recours à la contraception, mais d’aller plus profondément, d’analyser plus en détail les moyens contraceptifs, afin d’offrir une information plus complète, qui pourrait être utile à ceux qui voudront s’en servir pour faire un vrai choix, libre et responsable... C’est pour cela que l’exposé sera peut-être plus technique, voir même aride, ne contenant par endroits que des détails médicaux, mais je considère qu’il est nécessaire d’avoir des données réelles afin de pouvoir faire une interprétation correcte, exempte, autant que possible, d’inexactitudes et de subjectivité.
I.
Le statut
de l’embryon
I.1 Introduction
Parmi les préoccupations de l’éthique contemporaine concernant le commencement de la vie humaine, le problème fondamental, duquel surgissent tous les autres problèmes, est celui du statut de l’embryon. La difficulté est de préciser le moment où l’embryon devient être humain authentique, personne, avec toutes les conséquences morales et juridiques qui s’ensuivent.
C’est une des questions les plus controversées de la bioéthique et dont les réponses sont, conséquemment, très variées. Une malheureuse diversité, car leur non concordance se reflète dans les décisions juridiques et peut entraîner des conséquences dramatiques pour la société même.
Car la question du statut de l’embryon, en dépit de son allure de question philosophique, est un problème ardent, urgent, qui nécessite une réponse à toute minute. Cette réponse risque d’être de plus en plus manipulée, comme nous allons le voir, en faveur des intérêts de plusieurs facteurs : médicaux, économiques, politiques, etc. Car refuser à l’embryon le statut de personne humaine signifie légitimer
- les avortements,
- la fabrication d’embryons pour la recherche,
- le clonage
- et même l’utilisation des embryons pour la fabrication de produits de beauté ou d’armes chimiques ou ethniques (des armes conçues pour tuer, par exemple, plutôt des asiatiques que des européens ou l’inverse)[6]...
Pourtant, le statut de l’embryon dépasse le cadre de l’observation médicale et entre sur le territoire de l’évaluation anthropologique. Car c’est à l’anthropologie de répondre aux questions : qu’est-ce que l’être humain, qu’est-ce qui le caractérise ? En quel moment l’embryon reçoit-il les caractéristiques qui lui confèrent le statut d’être humain ? Est-ce que les découvertes dans le domaine de l’embryologie donnent le droit à la science de définir l’embryon exclusivement par ses repères à elle ?[7]
Nous nous proposons de construire, dans ce premier chapitre, un bref tableau panoramique[8] des perspectives contemporaines sur la question (le point de vue médical, l’avis du Comité Consultatif National d’Ethique - CCNE -, les prévisions de la loi française, les propos des principales religions et confessions (chrétiennes), en essayant de formuler, à la fin et pour conclusion, une perspective orthodoxe sur le sujet.
I.2 La science
Les étapes initiales du développement embryonnaire. Les cellules du corps humain se divisent en deux catégories : cellules diploïdes, somatiques, ayant un nombre fixe de chromosomes, 46, répartis en 23 paires, et cellules haploïdes, qui sont les cellules de la lignée germinale, ayant uniquement 23 chromosomes, et qui sont destinées à la formation des cellules embryonnaires avec 46 chromosomes, par la fusion des noyaux cellulaires – et donc du message génétique – de l’homme et de la femme dans l’acte de fécondation.
La fécondation, c’est-à-dire la rencontre des deux gamètes (la cellule sexuelle masculine - le spermatozoïde et la cellule sexuelle féminine – l’ovule), a lieu dans les premières heures après l’ovulation, dans les trompes de Fallope. L’œuf qui en résulte est alors une cellule unique. Pendant vingt heures environ, les noyaux des deux cellules parentales restent séparés à l’intérieur du cytoplasme (stade deux pronoyaux), puis ils se rapprochent l’un de l’autre et fusionnent.
Le zygote unicellulaire a, à partir de ce stade, encodées dans le noyau (dans les gènes localisés sur les chromosomes du noyau), toutes les instructions nécessaires à la fabrication des divers types de cellules qui composent l’organisme humain.
En moins de douze heures environ, le zygote se divise une première fois en deux cellules. La segmentation cellulaire continue, doublant à presque toutes les douze heures le nombre de cellules, et en même temps l’embryon est lentement propulsé vers l’utérus. Il y a plusieurs stades du développement embryonnaire : l’œuf fécondé (stade deux pronoyaux), le zygote unicellulaire, le blastomère (deux à quatre cellules), la morula – « mûre », en latin – (quatre à trente deux cellules), et le blastocyste (trente deux à deux cent cinquante cellules). Le blastocyste se présente comme une petite cavité pleine de liquide. Son revêtement externe (le trophoblaste) formera plus tard le placenta et les membranes fœtales. A l’intérieur du blastocyste, « collé » à la face interne de l’un des bords du trophoblaste, on peut apercevoir un groupe de cellules, le bouton embryonnaire. Ce stade est atteint le cinquième jour après la fécondation. Vers le sixième – septième jour, commence le processus de nidation à la paroi de l’utérus, processus qui s’achèvera le quatorzième jour après la fécondation. Jusqu’à ce moment, l’embryon peut encore se diviser. C’est le moment où se forme la ligne primitive, le futur système nerveux de l’embryon. Vers la huitième semaine de vie, le développement du système nerveux est achevé ; l’embryon devient fœtus, capable de bouger et de sentir la douleur. Il a alors l’aspect d’un bébé. Tous les organes principaux sont formés.
L’opinion des scientifiques. La plupart des chercheurs s’accordent pour dire que l’embryon est soit un amas de cellules, soit un être humain potentiel. Ou bien un « être vivant » qui « appartient à l’espèce humaine »[9]. Le professeur Frydman et d’autres illustres chercheurs affirment que l’embryon a tous les droits d’un être humain uniquement s’il fait partie d’un projet parental, s’il est désiré et reconnu en tant que tel par ses géniteurs (ou parents adoptifs).
On considère ainsi que le nom d’« embryon » qu’on lui a accordé n’est pas correct du point de vue scientifique, car les premiers stades de développement contiennent à la fois le matériel cellulaire qui deviendra l’embryon, mais aussi le matériel qui donnera les annexes embryonnaires. On aurait par conséquent préféré des noms qui lui seraient plus appropriés, comme : « pré-embryon » (qui est déjà utilisé en Grande Bretagne) ou « conceptus ». Mais, affirment les auteurs d’un livre sur les PMA, le premier nom a été « frappé d’interdit », car suspecté d’être une trouvaille de ceux qui veulent faire des recherches à ces stades de développement ; le deuxième a eu le même sort, car « il a une consonance bien moins magique » (pour ceux qui considéreraient que le nom d’ « embryon » lui confère plus d’importance et lui donne droit à des privilèges)[10].
Quel que soit son nom correct ou quelle que soit sa définition, l’apport de la médecine, en ce qui concerne le statut de l’embryon, est limité à des considérations d’ordre physique. Les médecins peuvent ainsi affirmer que le fruit de la fécondation n’est pas un individu (dans le sens étymologique du mot) avant la nidation à la paroi de l’utérus. Mais ils ne pourront jamais ni le définir, avec leurs outils, en tant que personne, ni dire ce qu’est l’âme.
Le père du RU 486 affirmait : « Quant à ce dernier [l’individu], si la science peut décrire différentes étapes de son développement, en particulier embryonnaire, elle ne peut définir sa « personne » et reste incapable de préciser quand celle-ci commence et sous quelle influence. […] Même s’il nous paraît certain qu’elle [la personne humaine] a quelque chose à voir avec le fonctionnement de notre système nerveux central, rien n’est encore expliqué ».
Pourquoi se hasarderait-il alors à dire plus loin: « « Il ne faut donc pas confondre la spécificité ou la particularité génétique, acquise dès la fécondation, avec l’individualité, qui ne se complète que plus tard, et à plus forte raison avec la personne ».[11]?
Pour les adeptes de la théorie selon laquelle l’embryon serait un amas cellulaire ou, plus gentiment, un être vivant, mais en aucun cas une personne humaine (même pas un individu, surtout avant la nidation), les arguments d’ordre médical sont les suivants :
- dans certains cas, le zygote, bien qu’il ait le capital génétique d’un être humain, peut se transformer en une tumeur au lieu de donner un embryon ;
- de même, il peut, dans d’autres cas, se dédoubler pour donner des jumeaux et alors on ne peut pas parler d’ « une personne » ;
- plus de 50 % des embryons ne s’implantent pas et sont avortés spontanément ;
- jusqu’au deuxième mois de vie, l’embryon / fœtus peut être avorté naturellement à cause de certaines anomalies chromosomiques ;
- à ces arguments s’ajoutent d’autres, qui tiennent du fait que l’embryon n’a pas (au moins, pas encore) les caractéristiques d’une personne (par exemple, la capacité de communiquer avec les autres, car dans les premiers jours ou même semaines de vie la mère ignore son existence).
I. 3 Le Comité Consultatif National d’Ethique
Les scientifiques ne pouvant pas toujours répondre, par leurs propres instruments, de la moralité de leurs exploits, l’État a créé plusieurs organismes chargés de l’évaluation éthique des pratiques médicales et de la recherche scientifique contemporaine. Le plus important en est en France à l’heure actuelle[12] le Comité Consultatif National d'Éthique.
Créé par un décret du Président de la République française, le 23 février 1983, et inscrit dans la loi du 29 juillet 1994, le Comité Consultatif National d'Éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a pour mission de "donner des avis sur les problèmes éthiques soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé et de publier des recommandations sur ce sujet".
Le tout premier document publié par le Comité, datant du 22 mai 1984, contient sa position concernant le statut de l’embryon : « l’embryon ou le fœtus[13] doit être reconnu comme une personne humaine potentielle »[14]. Cette formule est reprise, expliquée, nuancée, dans un autre document, à la fin de l’année 1986[15]. On annonce comme point de départ des nouveaux propos deux « exigences fondamentales » : « le respect de la dignité humaine », mais aussi « le respect de la science et de ses propres exigences méthodologiques »[16].
Considérant que, du point de vue biologique, on ne peut parler que de « potentialité de personne humaine », ce qui n’est pas la même chose que « personne humaine potentielle », le Comité décide, tout en se tenant à l’écart de toute considération « métaphysique » ou « doctrinale », de considérer l’embryon aussi dans sa réalité « anthropologique et culturelle », ce qui dépasse largement le champ de la science. Il est question ici du fameux « projet parental » tant véhiculé par les chercheurs. C’est-à-dire que l’embryon n’est pas humain uniquement en vertu d’un génome spécifique, mais aussi d’un projet parental, qui l’inscrit dans un « roman familial » et qui fait qu’il soit ainsi reconnu par la société (et conséquemment par la législation)[17]. En fait, le projet parental pose des problèmes moraux sérieux, comme nous allons le voir plus loin, autant pour l’Église Catholique que pour l’Église Orthodoxe.
Les principes proposés pour définir le « respect fondamental » dû à l’embryon restent assez généraux et manquent parfois de clarté, comme cette idée de la dignité qui se fonde sur la personne réelle que l’embryon peut devenir, ainsi que sur le concept de « personne » en général :
« Plus largement, le caractère seulement potentiel de la personne humaine dans l’embryon signifie que la déontologie des recherches le concernant s’inscrit à l’intérieur du respect fondamental de la personne réelle qu’il pourra devenir comme de l’ordre de la personne dans lequel prend sens sa dignité »[18].
La formule « personne humaine potentielle » (qui a pour nous l’air d’une formule de compromis), ainsi que tous ces principes, généreux d’ailleurs, qui gravitent autour d’elle n’offrent malheureusement pas de solution quant à leur mise en pratique ; cela a imposé la mise en place d’autres principes ou « attitudes » qui pourraient aider à trancher dans certains débats. Par exemple, l’attitude de « tenter de rechercher le moindre mal », considère le Comité, pourrait aider à tolérer la destruction ou la congélation des embryons ; la première, car elle est inévitable, la deuxième, parce qu’elle préserve l’intérêt de la mère et en même temps augmente les chances de la naissance d’un enfant. Une deuxième attitude, cependant, la « prudence », n’a pas réussi à apporter un éclairage dans le débat sur la conservation ou le don d’embryons à d’autres couples.
Le débat sur l’embryon reste ouvert, dans (presque) tous ses aspects, jusqu’à présent. Dans son dernier document concernant l’embryon humain (« Avis sur l'avant-projet de révision des lois de bioéthique » - N°67 du 18 janvier 2001), le Comité reprend sa position de neutralité vis-à-vis du statut de celui-ci : « Il serait tout aussi excessif de considérer l'embryon en phase préimplantatoire comme un simple amas de cellules d'origine humaine que de le sacraliser en tant que personne humaine en puissance. La notion de "processus embryonnaire en cours" témoignerait peut être de l'énigme qui entoure la nature exacte de l'embryon aux premiers stades de sa vie ». Le terme « sacraliser » choisi par le CCNE est tendancieux : on ne cherche point à sacraliser l’embryon, on cherche tout simplement à affirmer la réalité de sa nature humaine.
S’il s’était toujours abstenu de fixer des seuils de développement embryonnaire, le CCNE en propose cette fois-ci un. Le nouveau projet de loi de bioéthique propose, comme limite d’utilisation des embryons surnuméraires pour la recherche, la différenciation tissulaire. Le CCNE affirme que la différenciation tissulaire n’est pas un moment, mais un processus continu, et il recommande en revanche la fin du stade préimplantatoire, notamment le moment où l'embryon acquiert la capacité de s'implanter dans l'utérus.
Une autre position, encore plus inquiétante, du CCNE, est son accord pour la recherche sur les embryons. D’abord sur les embryons surnuméraires, mais aussi sur les embryons issus du transfert d'un noyau somatique (embryons ITNS) dans un ovule préalablement énucléé. C’est-à-dire, la création d’embryons pour la recherche ou le clonage thérapeutique. C’est vrai que ces embryons ne sont pas issus des deux gamètes, masculin et féminin, et qu’il ne s’agit pas de la conception dans le sens classique du terme, mais le résultat n’est malheureusement pas moins embryon ou moins humain que les embryons IFIV (issus d'une fécondation in vitro). Et que ces embryons pourraient, si implantés dans un utérus, donner des personnes humaines. Clonées. Si on dépasse ce seuil, affirme le professeur Axel Kahn (d’ailleurs, membre du CCNE), il n’y a plus qu’un pas jusqu’au clonage humain. Et le CCNE a paradoxalement donné son accord pour cette pratique, tout en affirmant sa position ferme contre la création d'embryons humains pour la recherche. En demandant tout simplement cela comme une exception. Maintenir donc avec fermeté le principe (de la non création d’embryons pour la recherche) et en même temps en demander une exception. La raison : les embryon ITNS sont plus appropriés en tant que source de cellules souches, car, si on introduit dans l’ovule énucléé un noyau cellulaire provenant du malade, les cellules souches obtenues donneront des tissus compatibles avec ceux du malade, ce qui fait que ses chances de guérison augmentent.
Il faudrait tout d’abord préciser que l’obtention des cellules souches embryonnaires présuppose la création et ensuite la destruction des embryons. De plus, le risque du rejet existe toujours, aussi que « le risque de développement de cancers du type térato-carcinomes par utilisation de cellules insuffisamment différenciées difficilement détectables »[19]. L’alternative serait l’utilisation des cellules souches adultes, existantes dans notre organisme, surtout au niveau de la moelle osseuse, et qui présentent l’avantage d’une meilleure compatibilité avec le malade, étant donné que la source de ces cellules est le patient lui-même.
I.4 Les prévisions de la loi
A présent, trois lois dites bioéthiques, promulguées en juillet 1994, fonctionnent en France[20]. Les deux premières contiennent des prévisions concernant l’embryon, que voici[21] :
Première loi, titre I :
« La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie » (article 16)
« (…) aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne » (article 16-4)
« Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle » (article 16-7)
Le titre III (intitulé : « De la filiation en cas de procréation médicalement assistée ») :
« En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation. Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur ». (article 311-19)
La deuxième loi stipule :
« Un embryon ne peut être conçu in vitro que dans le cadre et selon les modalités d’une assistance médicale à la procréation. […] Il ne peut être conçu avec des gamètes ne provenant pas d’un au moins des deux membres du couple ». (article 152-3)
« A titre exceptionnel, les deux membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple ». (article 152-4)
« L’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ne peut être pratiquée que comme ultime indication lorsque la procréation médicalement assistée à l’intérieur du couple ne peut aboutir ». (article 152-6)
« Un embryon humain ne peut être conçu ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles ». (article 152-7)
« La conception in vitro d’embryons humains à des fins d’étude, de recherche ou d’expérimentation sur l’embryon est interdite. A titre exceptionnel, l’homme et la femme formant un couple peuvent accepter que soient menées des études sur leurs embryons. Leur décision est exprimée par écrit. Ces études doivent avoir une finalité médicale et ne peuvent porter atteinte à l’embryon[22] ». (article 152-8)
En ce qui concerne les embryons congelés qui existent à la date de promulgation de la loi, « si leur accueil est impossible et si la durée de leur conservation est au moins égale à cinq ans, il est mis fin à leur conservation ». (article 9)
« toute insémination artificielle par sperme frais provenant d’un don et tout mélange de sperme sont interdits ». (article 673-3)
« le recours aux gamètes d’un même donneur ne peut délibérément conduire à la naissance de plus de cinq enfants ». (article 673-4)
« le diagnostic prénatal s’entend des pratiques médicales ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité. Il doit être précédé d’une consultation médicale de conseil génétique ». (article 162-16)
« Le diagnostic biologique effectué à partir de cellules prélevées sur l’embryon in vitro n’est autorisé qu’à titre exceptionnel » (s’il y a risque que l’enfant soit atteint par une maladie génétique très grave, incurable au moment du diagnostic). (article 162-17)
La loi de bioéthique devait être révisée cinq ans après, donc en 1999. Pourtant, le nouveau projet de loi a été présenté par Madame Elisabeth Guigou en Conseil des Ministres le 20 juin 2001. Il sera probablement ratifié en 2003.
Il a été élaboré à partir du rapport fait par le Conseil d’Etat en 1999, et aussi de celui de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), tout en tenant également compte des avis :
- du CCNE
- de la Commission nationale consultative des droits de l’homme
- de l’Académie de médecine.
Voici les modifications les plus importantes, qui font référence à l’embryon humain, apportées par ce projet de loi par rapport à la loi de bioéthique de 1994 (il s’agit des nouvelles dispositions relatives à la procréation et à l’embryologie, regroupés dans le titre IV) :
- Le clonage reproductif est interdit de manière explicite (l’article 15 du projet).
- La recherche sur les embryons congelés surnuméraires est autorisée. En dépit de l’avis favorable du CCNE (que nous avons mentionné ci-dessus) visant la recherche à partir de cellules souches obtenues par création d’embryons ITNS (donc, le clonage thérapeutique), le gouvernement, tenant compte des avis de la Commission des droits de l’homme et du Conseil d’Etat, a décidé de se limiter à la recherche sur les embryons congelés surnuméraires. Cette autorisation est elle-même encadrée par plusieurs règles / principes :
- la recherche sur ces embryons est possible si elle a une finalité médicale et ne peut être poursuivie « par une méthode alternative d’efficacité comparable en l’état des connaissances scientifiques »
- les embryons doivent ne plus faire l’objet d’un projet parental, et le couple de géniteurs doit consentir qu’ils soient utilisés en vue de la recherche
- les protocoles qui sous-tendent ces recherches doivent être préalablement autorisés par les ministres après l’avis de l’Agence de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaine (voir ci-dessous)
- l’AMP est élargie aux personnes avec risque de transmission d’une maladie grave ;
- le recours à tiers donneur (qui n’était possible qu’en ultime intention) pourra être envisagé en cas d’échec de l’AMP ou si le couple y renonce, et proposé en première intention en cas de risque de transmission d’une maladie grave à l’intérieur du couple ;
- on autorise l’auto-conservation des gamètes des personnes qui nécessitent un traitement médical qui risque d’altérer leur fertilité ;
- en ce qui concerne les embryons congelés surnuméraires, les couples serons questionnés annuellement sur leur projet concernant les embryons surnuméraires ; s’il n’y a plus de projet parental, ils ont trois choix : destruction, don en vue d’accueil par d’autres couples, ou don en vue de la recherche (ce qui présuppose, évidemment, leur destruction) ; s’il n’y a pas de réponse de la part du couple, les embryons sont détruits au bout de cinq ans.
- Le projet de loi prévoit également la création d’une nouvelle structure, notamment l’ « Agence de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaine » (APEGH), qui devra veiller « au respect des principes et encadrements posés par la loi (article 16) ».
- Certaines dispositions concernant le diagnostic prénatal et l’assistance médicale à la procréation (AMP) sont modifiées (article 17), parmi lesquelles :
Il serait peut-être important d’ajouter que, en France, le fœtus humain n’existe pas du point de vue pénal « et que sa mort ne peut engager la responsabilité de quiconque » (Metro, mercredi 26 juin 2002, p. 2). C’est une décision prise par l’assemblée plénière de la Cour de Cassation le 29 juin 2001. Elle s’oppose à la position du parquet général, qui a montré le 6 juin 2001 que « tous les grands juristes ont exprimé le même point de vue : il n’est pas nécessaire que l’enfant ait respiré pour être protégé par le droit pénal » (La vie, juillet 2002, et Métro, le 26 juin 2002).
I. 5 Points de vue théologiques
L’Église a toujours affirmé que la vie humaine commence avec la conception. Le père professeur John Breck montre que les écrivains chrétiens ont tous condamné l’avortement car le fœtus, « formé ou non-formé », à n’importe quel moment de la grossesse, est une personne humaine et porte en soi l’image de Dieu[23]. La perspective de certains chrétiens change aujourd’hui, car la réflexion théologique se veut de plus en plus basée exclusivement sur les données scientifiques. En voilà un exemple :
Nous avons déjà parlé de la préférence des médecins d’outre mer (et de France également) pour le nom de « pré-embryon » donné au conceptus jusqu’à deux semaines après la fertilisation. La distinction pré-embryon – embryon implique le fait que, pour le premier, on parle de sa « potentialité » plutôt que de sa réalité comme personne humaine. La conséquence : il n’est pas protégé par la loi et il peut être utilisé pour les recherches et expérimentations dans un but thérapeutique. La distinction n’a pourtant pas tardé d’être embrassée par des théologiens catholiques et protestants (une des causes, affirme le père John Breck, étant leur démarche sincère de trouver un moyen qui permette aux victimes des abus sexuels de mettre fin, sans être non conformes aux enseignements de l’Eglise, à une grossesse non désirée). C’est le cas des théologiens romano catholiques Thomas Shannon, Allan Wolter, Richard McCormick[24] et du prêtre Charles Curran, ancien professeur de théologie morale à l’Université catholique de Washington. Le révérend australien Norman Ford, prêtre de Saint-François de Sales, considère l’embryon comme individu uniquement à partir du moment de l’apparition de la ligne primitive, quand une division n’est plus possible. Il appelle même le pré-embryon « pro-embryon », pour montrer sa potentialité. Pour N. Ford et Charles Curran, entre embryon et « pré (pro)-embryon » il y a une différence radicale[25]. De même, le jésuite Joseph Donceel et le prêtre Pastrana affirment qu’une étape importante dans le processus d’humanisation du conceptus se situe entre le quatorzième et le dix-huitième jour. D’autres prêtres catholiques américains, par peur de ne pas trop investir (d’âme) des conceptus présentant une anomalie chromosomique, proposent de voir le début de leur humanisation dans un événement qui surviendrait à un certain moment de leur développement. (par exemple, propose le prêtre Hearing, l’apparition du cortex cérébral, car il faut qu’il y en ait un « récepteur de l’âme »)[26].
On commence ainsi à faire une distinction entre fertilisation et conception. On ne les voit plus comme étant simultanées, car la conception n’est plus un moment, mais un processus[27] qui va de la fertilisation (son début) jusqu’à l’implantation du conceptus dans la paroi de l’utérus maternel. Autrement dit, le pré-embryon est l’acteur du processus de la conception, et sa « transformation » en embryon coïncide avec l’achèvement de la conception.
D’où aussi l’idée de l’animation médiate, ce qui fait que l’embryon ne peut plus être considéré une personne avant ce moment d’individualisation.
En fait, l’Église Catholique considère que ce serait trop de parler de l’embryon comme personne, car il lui manque trop de caractéristiques essentielles de celle-ci ; on risquerait ainsi, affirme un éminent théologien catholique, d’élargir tellement le sens de la notion de personne, qu’elle finira par être vidée de contenu[28]. L’embryon deviendra sans doute une personne à un certain stade de son développement, mais nulle part l’Eglise n’affirme-t-elle qu’il est une personne dès le moment de la conception ; elle préfère l’appeler « être humain »[29]. Une des origines de cette attitude est le débat sur l’animation (médiate ou immédiate) de l’embryon existant entre les théologiens catholiques ; cependant, l’existence même de ce débat semble être considérée par eux-mêmes comme une chose positive (« … la question du moment d’origine de l’animation est ici dénuée de toute pertinence. Le Magistère n’a jamais voulu s’y engager, avec juste raison » ... « Le débat reste ouvert, en effet, et doit le rester » (Bruguès, op. cit., pp. 238, 248). Cela ne veut pourtant pas dire que les partisans de l’animation différée considéreraient l’embryon avec moins de respect que les adeptes de l’animation immédiate. En plus, affirme Jean-Louis Bruguès, « même dans la perspective d’une animation progressive, telle que la conceptualisa un Thomas d’Aquin, la dignité de l’âme spirituelle à venir se projette sur le corps qui, par une organisation de plus en plus sophistiquée, est disposé par nature à le recevoir. La dignité de l’être humain ne coïncide pas avec le moment de l’apparition de l’âme spirituelle : elle l’anticipe. »[30]
Vu tous ces considérants, le Magistère de l’Église Catholique a choisi pour définir le statut de l’embryon la formule suivante : le respecter non pas parce qu’il est une personne, mais comme une personne humaine, dès le moment de la conception. C’est un respect qui se manifeste graduellement, c'est-à-dire au fur et à mesure que les caractéristiques propres à la personne se manifestent ; par exemple, dans ses premiers jours d’existence on ne lui reconnaît que le droit à la vie[31].
Pour ce qui est de la formule de la CCNE : « l’embryon est une personne humaine potentielle », les théologiens catholiques ne s’accordent pas toujours dans leur interprétation. Certains l’agréent et s’en servent dans leurs réflexions théologiques[32], d’autres la combattent pour manque de rigueur[33].
Même si elle ne considère pas l’embryon humain une personne dès sa conception, l’Église Catholique affirme que toutes les caractéristiques propres d’un être vivant sont contenues dans l’œuf dès la fécondation, ainsi que le fait que la fécondation déclenche un processus continu, « qui ne parvient à la maturité qu’au moment de la puberté », quand l’être humain devient capable de se reproduire lui-même[34].
Si les propos de l’Église Catholique attirent, en raison de leur intransigeance, les critiques des savants qui manipulent les embryons, la position des Églises protestantes fait certainement leur bonheur, comme la plus libérale, voir permissive, parmi les positions chrétiennes.
Le document de la Fédération protestante de France (Livre blanc de la Commission d’éthique protestante de France : Quelques repères au sujet de la maîtrise de la procréation, signé Rosine Maury), qui apparaît deux mois avant Donum Vitae, est salué avec enthousiasme par les scientifiques : « Un monde sépare les deux textes. […] Là où l’Église Catholique dénonce le péché d’orgueil des chercheurs, les théologiens réformés font confiance à leur sagesse. Prudence, respect de l’enfant et de ses parents se dégagent de ce texte »[35]. Tout le monde y est, paraît-il, respecté : l’enfant, les parents, et, très important, les chercheurs.
Les chercheurs, car on leur fait, on l’a vu, confiance, et on ne propose pas de limite quant à la manière dont ils pratiquent leurs techniques.
Les enfants, car c’est leur bien-être qui constitue la seule limite de l’éthique protestante. De ce point de vue,
- les PMA, si elles sont pratiquées à l’intérieur du couple, sans faire appel à un tiers (pour éviter la « grave responsabilité » des parents de cacher ou de dire à l’enfant la vérité sur son origine), ne posent pas de problème éthique;
- les inséminations post-mortem sont rejetées, pour ne pas créer un orphelin ;
- les inséminations après la séparation des conjoints sont également rejetées, afin de respecter le droit de l’enfant de naître à l’intérieur d’un couple stable.
Le couple, car on se fie à son jugement et au fait qu’il agit « en conscience », sans le condamner pour ses décisions.
Et le couple et l’enfant ont aussi le droit de ne pas souffrir, ce qui fait que la pratique d’un avortement thérapeutique (après avoir éventuellement fait recours à un diagnostique génétique prénatal) ou pour raison de détresse de la mère sera considérée comme « le moindre mal ».
La confiance accordée au couple est telle, que, affirme-t-on (naïvement) dans ce document, il suffit que celui-ci soit correctement informé (par exemple, du sort des embryons), pour qu’il prenne la bonne décision : « L'embryon, dès sa conception, est une personne en devenir. Donc il ne peut être la propriété de personne, et surtout pas du chercheur, ou de l'État. Par contre les géniteurs en sont responsables, et seuls ils ont le devoir et le droit de disposer des embryons surnuméraires, en connaissance de cause; on leur doit donc une information complète. Et qui, après information, donnerait un ovule pour un clonage, ou un embryon pour une duplication d'embryon? »
Laisser donc la décision aux parents et ne pas (pré)établir des règles. Le fondement théologique de cette attitude, affirmait un pasteur protestant (dans le cadre du Colloque Ethique, religion, loi et reproduction, Paris, le 20 février 1996), vient du fait qu’« il n’y a pas de salut par nos propres actions. Ce serait refuser l’offre gratuite de Dieu. Le comportement éthique ne peut qu’être second. Venir après la grâce ». Conséquemment, si le croyant prend une décision qui correspond à son cas particulier et s’il la prend au mieux de sa conscience devant Dieu qui comprend et pardonne, sa décision est (la) bonne.
L’Islam est majoritairement adepte de l’animation différée. L’âme est infusée quarante jours ou même cent vingt jours après la fécondation. Même la vie en tant que telle commence uniquement le 21ème ou le 30ème jour, quand le conceptus devient visible. Les pratiques procréatives sont toutes licites, à condition qu’elles n’impliquent pas un tiers. Cependant, le respect absolu de l’homme doit commencer à la fécondation, que ce soit in vitro ou in vivo, quand les deux patrimoines génétiques s’unissent. Cela fait que toute manipulation sur l’embryon soit interdite, comme un violation de la sacralité de la vie.
Le judaïsme est également adepte de l’animation différée (quarante jours après la fécondation, selon le Talmud), mais le statut de l’embryon n’est plus le même in vitro comme in vivo. Dans le premier cas, le détruire ne représenterait pas une mutilation, tandis que dans le deuxième, on le considère comme faisant partie du corps maternel et on ne peut pas le détruire que pour de bonnes raisons. Une telle raison serait le fait que la vie de la mère est en danger pendant la grossesse ou au moment de l’accouchement. Dans ce cas-là on privilégie toujours la mère par rapport au fœtus.
Le seuil de quarante jours laissant un temps de manœuvre, le diagnostic prénatal est recommandé le plus tôt possible, ainsi que le diagnostique préimplantatoire, afin d’éviter un avortement.
Une caractéristique de l’Islam et du judaïsme est la manière de traiter les situations qui posent des problèmes éthiques, dans la logique du cas par cas.
Voici ci-dessous un tableau - résumé avec la position des trois principales religions monothéistes concernant les techniques de la PMA[36] :
La technique |
L’Église Orthodoxe |
L’Église Catholique |
L’Église Protestante |
Judaïsme |
Islam |
IAD (Insémination hétérologue -avec sperme du donneur) |
Refusée |
Refusée |
Admise |
Le plus souvent refusée |
Refusée car s’oppose à la loi naturelle |
IAC (Insémination homologue -avec sperme du conjoint[37]) |
Admise |
Refusée (même si considérée comme moins nocive que l’IAD) |
Admise |
Admise si nécessité médicale |
Admise |
FIVETE hétérologue (contribution anonyme de sperme ou ovule) |
Refusée |
Refusée |
Admise, avec réserve, pour des couples hétérosexuels |
Refusée en règle générale |
Refusée |
FIVETE[38] homologue (avec les gamètes des deux partenaires) |
Admis, à condition qu’il n’y ait pas d’embryons surnuméraires |
Refusée, même si moins fermement que la FIVETE hétérologue |
Admise |
A condition d’une nécessité médicale absolue et bien établie |
Admise |
Prêt d’utérus |
Très fermement refusé |
Très fermement refusé |
Il n’y a pas d’opinion unanime sur la question |
Fermement refusé |
Refusé |
Location d’utérus |
Très fermement refusée |
Très fermement refusée |
Refusé |
Fermement refusé |
Refusée |
Don de sperme |
Refusé |
Refusé |
Eventuellement admis |
Refusé en règle générale |
Refusé |
Don d’ovules |
Refusé |
Refusé |
Eventuellement admis |
Rigoureusement refusé |
Refusé |
Don d’embryon |
Refusé |
Refusé |
Eventuellement admis |
Rigoureusement refusé |
Refusé |
Insémination post-mortem |
Refusée par principe, mais il peut avoir des exceptions |
Très fermement refusée |
Refusée car création d’un orphelin |
Déconseillée, mais jusqu’à un an du décès du père |
Admise pour une insémination homologue |
Congélation des embryons |
Refusée |
Refusée |
Admise si limitée dans le temps |
Admise |
Admise; engage la responsabilité du médecin. |
Destruction des embryons |
Refusée |
Très fermement refusée |
Admise |
Admise |
Refusée |
Recherche sur les embryons |
Systématique-ment refusée |
Acceptée s’il y a un bénéfice direct pour l’embryon concerné et s’il n’y a pas de danger majeur pour lui |
Admise, à condition qu’on détruise rapidement les embryons concernés et qu’on interdise rigoureusement la commercialisation de produits issus de l’embryon |
Admise – l’embryon en éprouvette n’ayant pas de potentialité de vie |
Refusée |
DPI (Diagnostique génétique préimplantatoire) |
Refusé |
Fermement refusé |
Exceptionnellement admis |
Admis |
Admise, mais pas dans un but sélectif |
DPN (Diagnostique génétique prénatale)[39] |
Admis, à condition qu’il ne conduise pas à une IMG (interruption médicale de grossesse) |
Admis, à condition qu’il ne conduise pas à une IMG |
Admis |
Au cas par cas |
Admise, mais pas dans un but sélectif |
Intervention thérapeutique sur l’embryon |
Accepté, s’il n’y a pas de risques pour la mère ou pour l’embryon |
Admise, s’il n’y a pas de risques disproportionnés pour la mère ou pour l’embryon |
Admise, s’il n’y a pas de risques disproportionnés pour la mère ou pour l’embryon |
Admise |
Admise |
Intervention thérapeutique sur le foetus |
Admise |
Admise, s’il n’y a pas de risques disproportionnés pour la mère ou pour l’embryon |
Admise, s’il n’y a pas de risques disproportionnés pour la mère ou pour l’embryon |
Admise |
Admise |
Sexage et tri des spermatozoïdes |
Refusé |
Fermement refusé |
Réserves |
En cas de raisons sérieuses |
Admis |
Choix des embryons à des fins de sélection |
Refusé |
Fermement refusé |
Refus – dangereux et absurde |
En cas de recommandation médicale |
Refusé |
IMG (Interruption médicale de grossesse) |
Refusée. Exceptionnellement tolérée. |
Refusée s’il y a anomalie du foetus; tolérée si la vie de la mère est en danger |
Seulement par décision des parents, si le fœtus est gravement atteint |
Uniquement sur recommandation médicale, si la santé physique et psychique de la mère est en danger |
Admise sur indication médicale si la mère court un grave danger ou si le foetus est atteint d’une pathologie létale |
I. 6 Conclusions. Une perspective orthodoxe
En analysant les propos exposés ci-dessus, on peut remarquer tout d’abord que l’anthropologie qui résulte de la pratique médicale d’aujourd’hui diffère fondamentalement de l’anthropologie religieuse. De plus, les deux positions semblent même irréconciliables[40]. L’embryon cherche toujours son statut, oscillant entre « presque rien », un amas de cellules, d’après la perspective médicale, et « (presque) tout », dans la perspective théologique. C’est le résultat d’une double vision et compréhension du monde : l’une, athée – c’est le cas des sciences médicales - (« Je suis convaincu que la science est résolument athée. Ni pour Dieu ni contre Dieu »[41]), qui définit l’homme comme individu autonome parmi les autres exemplaires de son espèce, et l’autre qui considère l’être humain uniquement en relation avec son Dieu et Créateur.
De même, il y a plusieurs opinions même au sein des confessions chrétiennes. C’est une gradation qui va du libéralisme, en général, protestant, jusqu’à l’interdit total, surtout dans l’Église Catholique, qui, dans le souci de respecter la vérité théologique, ne tient pas compte, quelquefois, des difficultés et souffrances de l’homme contemporain.
Nous allons essayer de répondre, par la suite, dans une perspective orthodoxe, aux propos recueillis ci-dessus (médicaux, juridiques, religieux, et à ceux de la Commission de bioéthique), et d’offrir quelques repères spécifiques à la spiritualité orthodoxe.
On sait que, jusqu’à présent, l’Eglise orthodoxe n’a pas affirmé une position officielle, synodale sur le sujet, les repères que nous avons à présent étant dues surtout aux théologiens orthodoxes occidentaux. Une des raisons est le fait qu’on essaye de ne pas tracer des règles générales mais de mettre plutôt l’accent sur la nécessité de connaître la réalité médicale, et ensuite c’est au guide (père) spirituel de prendre les décisions éthiques, avec la personne concernée et en tenant compte de l’unicité de chaque cas.
a. Les repères des Pères de l’Église
Les Écritures et la Tradition constituent l’autorité incontestable dans l’Église. Mais l’Orthodoxie ne parle pas, comme les catholiques ou les protestants, de Tradition et Écritures ou Tradition ou Écritures, mais d’Écritures dans, « à l’intérieur » de la Tradition (en considérant les Écritures comme résultat de la Tradition)[42]. Les Pères ne font que continuer cette Tradition. Ils représentent des normes dans l’Église, ils sont la Tradition vivante de l’Église. Et si un chrétien orthodoxe ne trouve pas dans leur enseignement une réponse directe à son questionnement, il y trouvera sans doute l’esprit dans lequel il devra essayer de résoudre son problème.
Le quatrième chapitre du livre de Jean-Claude Larchet, « Pour une éthique de la procréation », est dédié à la manière dont les pères et écrivains de l’Église conçoivent le statut de l’embryon et du fœtus humains. Il y a deux problèmes qui se posent: l'animation de l'embryon et sa formation.
En ce qui concerne la formation de l'embryon, un certain nombre de Pères, surtout latins, admettent, en vertu de l'autorité du texte biblique de l’Exode 21, 22-24, la distinction entre les deux stades de développement de l'embryon: l'embryon non formé et l'embryon formé ou achevé, qui a acquis la forme humaine (c'est-à-dire, ses organes sont bien différenciés). C'est le cas de Tertullien (qui distingue deux étapes de l'embryon: pecus, être vivant, et homo - quand il a la forme finale complète), Saint Jérôme, Saint Augustin, mais aussi de quelques Pères orientaux, comme: Origène, Saint Ephrem le Syrien, Saint Cyrille d'Alexandrie et Procope de Gaza. Chez Saint Grégoire de Nysse, on voit que, même s'il accepte la distinction entre ces deux étapes, il « développe une anthropologie très cohérente et très forte qui concerne la formation et la constitution de l’homme dès l’origine de son existence », et donc « ne met pas en cause le caractère essentiellement humain de l'embryon même en ses premières phases de développement »[43].
Le problème de l'animation de l'embryon trouve dans la pensée patristique deux positions: 1. celle de l'animation immédiate (l'âme est reliée au corps dès la conception), et 2. celle de l'animation différée ou médiate (l'âme est introduite dans le corps un certain temps après la conception).
Ce sont plutôt les Pères occidentaux qui ont adopté la théorie de l'animation différée, premièrement comme réaction au traducianisme (selon lequel l'âme est transmis à l'embryon, tout comme son corps, par les parents, au moment de la conception); ensuite, avec le thomisme, qui s'appuie sur la théorie aristotélique, cette théorie devient la doctrine officielle de l'Eglise de l'Occident. Aristote considérait que l'embryon humain possède dès la conception l'âme nutritive, mais ne possède pas qu'en puissance l'âme sensitive qu'il reçoit au stade d'embryon formé. Gennade de Marseille, Saint Augustin, Cassiodore, Saint Anselme, défendent la même position. Théodoret de Cyr, parmi les pères grecs, est le principal partisan de l'animation différée.
Mais il y a aussi des partisans de l'animation immédiate parmi les pères latins. Ainsi, Tertullien affirme: « Nous revendiquons la communauté de la chair et de l'âme, depuis la rencontre des semences mêmes jusqu'à l'achèvement de l'embryon ». […] « Les deux sont conçus, formés, achevés, et aussi manifestés en même temps, et il n'intervient dans la conception aucun intervalle qui puisse assurer à l'un des deux l'antériorité ».
La plupart des Pères grecs défendent l’animation immédiate. Saint Irénée affirme: « l'âme n'est pas antérieure au corps dans son existence; ni le corps avant elle dans sa formation, mais ces deux éléments datent du même moment ».
Clément d'Alexandrie considère que l'âme est présente dès avant la conception puisque c'est elle qui rend possible la fécondation en activant le pneuma présent dans la semence; une fois la fécondation accomplie, c'est l'âme qui préside au développement de l'embryon.
Grégoire de Nysse rejette la doctrine de la préexistence de l'âme par rapport au corps aussi que la théorie selon laquelle l'âme a été créée postérieurement au corps ( comme l’affirment Eunome, Méthode d'Olympe, Aristote, les stoïciens). « Puisque l'homme est un, dans sa composition d'âme et de corps, son être ne doit avoir qu'une seule et commune origine »; « ni l'âme ne vient avant le corps, ni l'inverse ».
La position la plus détaillée est celle de Saint Maxime le Confesseur, comme « la plus développée et la plus approfondie sur ce sujet » (p.110). Il rejette la théorie de la préexistence de l'âme aussi que celle de la préexistence du corps, en défendant la conception selon laquelle l'âme et le corps sont coexistants, comme « parties ordonnées » de ce tout qui est l'être humain. Même si leur origine est différente (le corps vient du corps des parents et l'âme est créée et insufflée par Dieu) il n'y a pas de postériorité ou antériorité entre les deux; cette insufflation n'est pas postérieure à l'existence du corps, mais a lieu en même temps qu'il apparaît, pour constituer avec lui une seule forme humaine. L'argument: « le corps doit être animé dés l'origine, sinon il est un corps mort », qui ne peut pas se nourrir et croître. L'âme qui coexiste avec le corps a en même temps toutes les trois dimensions: végétative, sensitive et rationnelle. Si une de ces dimensions avait été introduite ultérieurement, ou aurait pu parler d'une plante, ou bien d'un animal, mais non pas d'un être humain qui est défini par chacune de ces trois dimensions. Ceux qui affirment le contraire déconsidèrent la prescience de Dieu et Sa puissance (p. 116). De ce blasphème se font également coupables ceux qui justifient la théorie de la venue tardive de l'âme rationnelle et intellective dans l'embryon par l'impureté de la conception et de la période qui suit « car si le mariage est mauvais, la loi de la venue à l'existence naturelle l'est également ».
Saint Maxime apporte aussi un argument christologique (notre Seigneur a reçu lors de la conception, pas avant ou après, l'âme intellective) en rejetant les affirmations des monophysites, selon lesquels Christ, tout aussi comme Adam et tout homme, se serait incarné par étapes: premièrement corps humain, puis âme rationnelle.
La coexistence du corps et de l'âme est aussi soutenue par Saint Jean Damascène dans « Exposé exact de la foi orthodoxe » (p. 121) : « Dieu a modelé le corps en même temps que l'âme », par Nicétas Stéthatos, dans le traité « De l'âme » : « Dans le même temps et à l'instance même de la venue à l'existence, Il [Dieu] a accompli l'homme personne unique, à Son image et à Sa ressemblance » (p. 123), par Michel Psellos, qui reprend dans « De omnifaria doctrina » les conceptions de Saint Grégoire de Nysse et de Saint Maxime le Confesseur.
Léon IV le sage (IXe - Xe siècle) et Saint Syméon de Thessalonique (XIVème – XVème siècle) considèrent que l'enfant n'est achevé que le quarantième jour. Saint Syméon considère l'embryon un enfant dès le troisième jour de la conception.
L'auteur considère, comme conclusion, que les conceptions de référence sont celles de Saint Maxime et de Saint Grégoire de Nysse, même si le contexte de leur exposé n'était pas celui de l'embryologie.
On peut conclure que, pour ce qui est du statut de l’embryon, même s’ils n’ont pas tous la même position concernant l’animation de celui-ci, les pères s’accordent tous sur un point essentiel : l’embryon est un être humain dès sa conception, constitué à l’image de Dieu, « un fruit de la volonté de Dieu », « un don de Dieu que les parents doivent accueillir comme tel »[44]. « Le Fils de Dieu s'est incarné », conclut Jean-Claude Larchet, « autrement dit est devenu homme, dès le moment de sa conception du Saint Esprit et de la Vierge Marie » […] « le Verbe de Dieu, Se faisant homme, S'est fait d'abord petit embryon, sanctifiant par Sa divinité même cette première modalité et cette première étape de l'existence humaine »[45].
b. Repères contemporains
L’Église Orthodoxe affirme tout d’abord, avec Saint Grégoire de Nysse et Saint Maxime le Confesseur, que, dès la fécondation, il y a vie humaine, « non pas potentielle mais patente, et que cette vie doit (…) être respectée dès ce moment ».[46] Une des caractéristiques de ce que nous appelons « vie humaine » étant la présence de l’âme, partons, afin d’essayer de définir le statut de l’embryon, du concept d’animation, pour traiter ensuite de la notion de personne.
Qu’est-ce que l’animation ? C’est l’infusion de l’âme, le « souffle de l’Esprit Saint »[47]. Il s’agit d’un « mystère divin », d’un « phénomène immatériel », qu’on ne peut pas faire dépendre de l’évolution des cellules. Les scientifiques, on l’a déjà montré, ne pourront jamais dire ce qu’est l’âme. Ce serait alors complètement erroné d’ « essayer de donner une définition scientifique au souffle de l’Esprit Saint ».[48]
Aussi, la question même d’une « animation médiate » ou « immédiate », dont nous avons parlé ci-dessus, ne devrait pas se poser. Car elle vient, affirme le père professeur John Breck, d’une anthropologie dualiste (qui a son origine à Origène), qui considère que le corps matériel est animé par une âme rationnelle créée séparément et infusée, selon certains, au moment de la conception, ou, selon d’autres, ultérieurement. Le père Dominique Beaufils ajoute que, la création de l’homme étant instantanée, on ne peut pas introduire une chronologie entre le modelage de l’homme et l’insufflation de l’Esprit Saint. Il affirme qu’il y a unité entre la chair et l’âme et que le souffle de Dieu se trouve dans la matière même de laquelle l’homme a été créé[49].
Pour nous orthodoxes, l’âme « est la qualité même de personne de l’individu »[50]. Par conséquent, la question d’une âme unique ou de deux âmes dans le cas des jumeaux ne se pose plus, si on considère chaque entité comme « étant » et non comme « ayant » une âme. Car « l’âme est le pouvoir donné par Dieu ou dynamis (la « formule primaire » de Lejeune) qui actualise l’existence humaine personnelle »[51].
Si la Commission de bioéthique insiste sur le statut de l’embryon en tant que « personne humaine potentielle », Étienne Émile Beaulieu veut qu’on appelle l’embryon « individu » et qu’on lui reconnaisse les droits qui dérivent de ce statut au moment de l’apparition de la ligne primitive (individuus – qui n’est plus divisible)[52]. On abuse presque de ces deux mots. Mais qu’est-ce que la personne et qu’est-ce que l’individu ?
La théologie orthodoxe contemporaine souligne la distinction entre personne et individu par les écrits de Père Dumitru Staniloae. Selon lui, l’individu est l’homme ancré exclusivement dans une dimension physique, corporelle, terrestre. Il ne devient personne qu’au moment où son mode de vie devient spirituel, se « personnalise », se structure par la grâce de Dieu et en relation avec Dieu. La personne « se définit comme un mode d’existence en relation à la vie trinitaire. Cela veut dire que la personne ne se définit pas par son corps ou son âme, mais par sa relation à Dieu »[53]. Dans cette perspective, on ne peut pas refuser à l’embryon le statut de personne, car il est appelé à un devenir non pas uniquement physique, mais aussi spirituel. Autrement dit, du point de vue théologique, il n’y a pas une rupture entre la dimension d’individu de l’embryon et son devenir en tant que personne. Car on ne peut pas parler d’un moment où Dieu ne se soucie pas de lui et un moment ou Il commence à s’en préoccuper (« C’est Toi qui m’as formé des reins et m’as tissé dans le ventre de ma mère » - ps. 139, 13).
De plus, sur le plan strictement somatique, on ne peut pas refuser à l’embryon le statut de personne, car on peut parler d’une continuité dans sa croissance, qui montre sans exception que, mis dans des conditions favorables de développement intra-utérus, l’embryon deviendra une vraie personne, unique, et développera toutes les caractéristiques spécifiquement humaines. Un argument scientifique : le nombre de 46 chromosomes ainsi que le génome que l’œuf de 46 chromosomes porte est spécifiquement humain et à chaque fois unique.[54] Et pour tous ceux qui se demandent (ou qui en ont déjà leur réponse - voir page 11) si les petites cellules embryonnaires constituent un être humain ou pas, la réponse est qu’il s’agit d’un « aspect évolutif et temporaire de quelque chose qui est un être qui est humain, qui est unique, qui est porteur de l’image de Dieu, (…) qui est destiné à l’éternité, et qui est appelé à devenir fils adoptif du Père, appelé à la déification pour laquelle Dieu s’est fait homme ».[55]
Jean-Louis Bruguès propose, dans cette perspective, un parallèle entre «personne » et « personnalité ». L’embryon, affirme-t-il, est certainement « en voie de personnalisation », mais non pas « en voie de personnification ». Car la personnalité se construit, au fur et à mesure, « à l’intérieur d’un jeu de reconnaissances sociales ». Mais la personne, c’est nous qui l’affirmons, existe déjà. La « potentialité » dont parle le CCNE peut donc se référer à la personnalité mais non pas à la personne. La distinction nous semble intéressante, car « personnification » signifie qu’on part de la non-personne pour arriver à la / devenir personne (ce qu’on ne pourrait jamais soutenir), tandis que « personnalisation » se réfère à l’accomplissement en tant que personne, mais non pas uniquement du point de vue social, comme l’affirme le théologien : il s’agit tout d’abord de l’accomplissement de la personne dans le Christ.
En ce qui concerne l’objection d’Étienne Émile Beaulieu, qui affirmait qu’on ne peut pas appeler « une » personne l’embryon avant qu’il ne se divise peut-être en jumeaux ou même en quintuples (il donne l’exemple des cinq sœurs Dionne, nées en 1934)[56], on pourrait répondre : même s’il peut encore avoir des divisions (jusqu’au 14ème jour), il y aura au moins une personne qui se développera de l’ovule fécondé. C’est pour cela que la trouvaille de la Commission de bioéthique : « personne humaine potentielle » est à rejeter, car non fondée ; l’embryon a deux solutions : soit il meurt, soit il survit et devient toujours, sans exception, dans des conditions normales de développement, une personne. Si, toutefois, on est censé donner une définition à l’embryon, la formule qui convient le mieux est celle de père John Breck : l’embryon est une « personne en évolution » (Deuxième Colloque de l’Association Orthodoxe d’Etudes Bio-éthiques, Institut de théologie orthodoxe Saint Serge, Paris, 8-9-10 mai 1998).
Ayant cela pour base de toute évaluation (bio)éthique, la question qui se pose par la suite est, naturellement, celle des techniques qui présupposent la manipulation des embryons. L’essor des nouvelles technologies fait que l’homme contemporain soit appelé à prendre des décisions morales avec un impact beaucoup plus important que dans le passé ; aujourd’hui, il doit être fort conscient de la responsabilité de ses actes. Le fait que, en France, la justice ne reconnaît pas à l’embryon le statut de personne, autorise des pratiques et des recherches médicales qui mettent en cause sa vie. Nous allons en parler dans les deux autres parties de ce travail. Aussi faudrait-il, dans le même cadre de la problématique de l’embryon, se pencher sur la question du clonage. L’étendue et la variété des problèmes abordés dans cette étude ne nous permettent cependant pas d’y développer ce sujet. Voyons pour l’instant comment les scientifiques revendiquent-ils le droit à leurs actions. Il y a plusieurs arguments que le monde médical invoque afin de justifier le recours à ces pratiques et la continuation des recherches. En voici quelques uns.
Lors de sa conférence dans le cadre du colloque « Dialogues justice et santé », tenu les 19 octobre, 9 novembre, 23 novembre 2000 au Palais de Justice de Paris, Claude Sureau, président de l’Académie de Médecine de France, affirmait qu’il conviendrait mieux de sacrifier un certain nombre d’embryons aujourd’hui, pour la recherche, afin de pouvoir guérir les générations à venir.
Une telle pratique ne pourrait pas être légitime, car on prend des décisions sur le droit de vie des futures personnes, sans que celles-ci aient le droit de dire oui ou non, de faire un choix libre et conscient pour eux-mêmes. Car qui peut s’ériger en Créateur ? Qui est celui qui pourrait décider de la vie ou de la mort des embryons : lesquels seront implantés, lesquels congelés, lesquels tués pour la recherche ?
Ceux qui le font déjà accusent avec virulence ceux qui s’y opposent de hypocrisie. Nous avons choisi deux de leurs arguments, malheureusement, moins ou pas du tout scientifiques, sur le critère de la fréquence avec laquelle ils sont invoqués par les savants concernés.
L’un est basé sur le fait que 50% (jusqu’à 70%, d’après certains) des œufs humains fécondés sont avortés spontanément, avant implantation. Pourquoi se ferait-on donc tant de soucis quand il s’agit de la destruction ou le dépérissement de ces « masses / amas de cellules » (il s’agit surtout des embryons non transplantés) quand la nature elle-même agit ainsi ? La réponse à cet argument vient du CCNE lui-même : « l’éthique ne commande pas de tenir pour sacré l’ordre naturel […] Ce qui vaut éthiquement ne se déduit pas de ce qui est »[57][…] « cette référence à la nature ne constitue pas en soi une justification suffisante des actions humaines. Elle cesse d’être une justification lorsque, ne se contentant plus de guérir, la médecine et la science ne tendent plus à corriger un ordre naturel perturbé par des pathologies définies mais prétendent pallier ou modifier cet ordre naturel, en agissant aux sources mêmes de la vie »[58].
Ajoutons-y un point de vue orthodoxe, opposé à celui de la théologie occidentale, selon lequel les enfants morts non baptisés (cela inclut les embryons et fœtus) sont condamnés pour l’éternité (c’est-à-dire, ne vont pas au paradis, mais dans les limbes). Pour nous, la mort prématurée naturelle des embryons ne devrait pas être différente de la mort prématurée des enfants, causée par des accidents ou des maladies. C’est vrai qu’entre l’embryon et la mère il n’y a pas encore une relation, une communication établie et que donc l’événement n’aura pas la même gravité que la perte d’un enfant, mais cela ne veut pas dire que l’embryon serait moins « personne », puisque cette qualité vient en fait de la relation qui existe entre Dieu et sa créature, même à ce stade-là[59].
La deuxième accusation généralisée est que, en se passionnant tant de la condition de l’embryon, on oublie les vrais problèmes de l’humanité, comme le sort dramatique des enfants qui meurent tous les jours dans les pays du tiers monde, et dont la valeur de personne humaine n’est pourtant pas niée. Voici le final « apothéotique » de l’introduction que le professeur Frydman fait à son livre :
« En prenant tellement à cœur le sort de leurs embryons, les pays occidentaux s’épargnent de réfléchir sur le destin des enfants de pays moins favorisés. Des enfants bel et bien nés, dont le statut de personne ne fait aucun doute, et qui sont rejetés, martyrisés, traités comme moins que rien. Sans tomber dans l’amalgame, nous pouvons nous interroger sur les limites de notre éthique. Là où l’enfant appelle légitimement notre compassion, l’embryon n’a peut-être pas encore pénétré le monde de l’humanité, précisément parce qu’il n’a pas encore rencontré la souffrance.
À trop délibérer sur ces quelques cellules, souvent non encore déposées dans l’utérus maternel, et dont le devenir, même en cas d’implantation, reste terriblement incertain, ne néglige-t-on pas d’autres problèmes d’une actualité cruciale ? »[60]
Ici il n’y a pas un ordre des priorités. En plus, si, dans le cadre de la médecine, on s’occupe des maladies qui ont une incidence ou une gravité plus importante que les autres, cela ne veut pas dire qu’on s’occupe uniquement de ces maladies, en mettant les autres à l’écart. Il en vaut de même pour la vie de l’embryon et la vie des enfants des pays pauvres. D’ailleurs, ceux qui accusent les défenseurs de la vie et de la dignité de l’embryon de hypocrisie, peuvent, à leur tour, être accusés d’encore plus de hypocrisie. Les chiffres le montrent clairement[61]. On sait combien les vaccins manquent dans les pays pauvres et combien une vaccination correcte y réduirait le taux de mortalité. Or, les 30 000 AMP pratiquées en 1995 ont coûté 55 000 000 $, ce qui constitue l’équivalent de 5 000 000 vaccins. On peut calculer ainsi que le prix d’une intervention d’AMP permettrait d’acheter 166 doses des vaccins si nécessaires !
Si la situation est telle que l’opinion des scientifiques sur le statut de l’embryon est claire et immuable, car pour eux c’est toujours la réalité médicale qui prévaut[62] (comme équivalent absolu de la vérité), que faire pour aider à la survie de l’embryon ?
Ce qui est déterminant pour l’embryon, affirme le professeur Frydman, est le désir de ses parents. Il est sacré et intouchable dans la mesure où il fait partie d’un projet parental. D’ailleurs, partout dans le monde, l’autorisation des interventions sur l’embryon intra-utérus dépend du consentement de la mère porteuse. Personne n’a le droit de le tuer si la mère le protège. Les débats sur le statut de l’embryon n’auraient aucune conséquence pratique si la mère l’acceptait et le désirait.
Il est cependant très dangereux d’affirmer que les parents ont le droit d’accorder ou pas un statut au fruit de leur conception. Le projet parental pose d’ailleurs de problèmes éthiques sérieux : l’embryon deviendrait humain uniquement si, selon l’intentionnalité des parents, il est introduit (et il s’implante) dans l’utérus maternel. Sinon, il n’est qu’un amas de cellules, « un matériel cellulaire utilisable »[63]. Les conséquences en sont lourdes. L’avortement d’une grossesse non désirée ne pose, par exemple, aucun problème éthique. Et c’est malheureusement ce même droit que s’arrogent les humains qui justifie les changements juridiques dans le projet de nouvelle loi de bioéthique : permettre que les embryons qui ne font plus l’objet du désir de leurs parents (autrement dit, qui ne sont plus humains), soient détruits en faveur de la recherche scientifique. La création d’embryons ITNS pour la recherche reste toujours interdite, on l’a vu, dans le projet de loi, malgré l’avis favorable du CCNE. Mais d’ici jusqu’à la fabrication d’un «matériel cellulaire thérapeutique, qui ne véhicule aucun projet parental »[64], il n’y a qu’un pas. La vie humaine est ainsi circonscrite par la volonté de l’homme. Une telle attitude pourrait être caractérisée pour phénoménologique : un être (ou un objet) n’existe que dans la mesure où je m’intéresse à lui.
Selon la foi orthodoxe, l’embryon, « porteur de l’image de Dieu, animé par le souffle de l’Esprit Saint, aimé de Dieu »[65], reste toujours un être humain, même quand il ne fait plus l’objet d’un projet parental. De plus, ce serait une hypocrisie de penser qu’on pourrait considérer les embryons issus du clonage thérapeutique comme étant non-humains afin de pouvoir les utiliser en dehors d’un projet d’enfant.
S’il est plus difficile de convaincre les législateurs et tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ont intérêt à déshumaniser l’embryon, il y a pourtant des choses à faire, pour nous, croyants sans pouvoir décisionnel. Alors qu’une bonne partie de la société est prête aujourd’hui à considérer l’embryon comme étant intouchable si protégé par sa mère, une des réponses théologiques au débats sur l’embryon, une réponse dans le sens du sacrifice d’une vie spirituelle dans le Christ, serait l’appel fait aux mères de comprendre et de conscientiser la valeur d’une vie humaine et leur responsabilité quand elles s’engagent à faire venir au monde un enfant.
Une fois conçu, l’embryon est un être humain et la société le reconnaît comme tel si la mère l’accepte et veut le protéger du moment de la fécondation.
Ce qu’on demande aux parents est non pas d’accorder, mais de reconnaître les droits dont l’embryon jouit en tant que personne créée d’après l’image de Dieu.
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[1] Le Petit Robert de la langue française, Paris: Dictionnaires Le Robert, 2000, p. 1900.
[2] John Breck, Darul sacru al vietii, Cluj-Napoca : Patmos, 2001, p. 121.
[3] Ibidem, voir note de bas de page, p. 120.
[4] Voir, par exemple, le livre d’Étienne Émile Baulieu, Génération pilule, Paris : Editions Odile Jacob, 1990.
[5] Nous avons préféré le terme de « contraception abortive » à son équivalent : « contragestion », afin de mieux souligner l’opposition avec « contraception préventive ».
[6] Voir le livre Le fruit de vos entrailles : du bébé éprouvette à la guerre bactériologique : le trafic des fœtus, par Rolande Girard, [ ?] : Editions Suger, 1985.
[7] Le père professeur John Breck remarquait que les réponses données n’ont pas toujours à la base exclusivement les repères scientifiques, mais ce sont souvent des interprétations subjectives, déterminées par des intérêts politiques ou sociaux (voir John Breck, Darul sacru al vietii, Cluj : Patmos, 2001, p. 163).
[8] Il s’agit exclusivement d’une perspective sur la situation en France.
[9] Claude Humeau, Françoise Arnal: Les médecines de procréation, Paris: Eds. Odile Jacob, 1994, p. 351.
[10] Claude Humeau, Françoise Arnal, op. cit., pp. 350-351.
[11] Etienne Emile Baulieu, op. cit., pp. 188, 190.
[12] Le nouveau projet de loi bioéthique prévoit la création d’un nouvel organisme, l’« Agence de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaine » (APEGH), qui devra veiller au respect des prévisions de la loi concernant les sujets de bioéthique.
[13] le choix des termes est expliqué dans une note à la fin du document : « les termes “embryon” et “foetus” visent tous les stades du développement du zygote depuis la fécondation de l'ovule jusqu'au stade de la maturation permettant une vie autonome ; ces termes sont utilisés en raison de la difficulté de déterminer scientifiquement le passage du stade embryonnaire au stade foetal. Ce choix terminologique ne préjuge en rien une prise de position du Comité d'éthique sur le statut de l'être en gestation ».
[14] Avis sur les prélèvements de tissus d'embryons et de foetus humains morts, à des fins thérapeutiques, diagnostiques et scientifiques. Rapport.
[15] Avis relatif aux recherches et utilisation des embryons humains in vitro à des fins médicales et scientifiques (Rapport N°8 du 15 décembre 1986).
[16] Comité Consultatif National d’Ethique, Avis de recherches sur l’embryon, Paris: Actes Sud et Inserm, 1987, p. 147.
[17] « Considérer l’embryon humain dès le départ comme une personne humaine potentielle, c’est donc avoir souci non seulement de la potentialité biologique de personne humaine recelée par cet être individuel en gestation et des conséquences de nos actes sur son avenir biomédical, mais encore de la représentation anticipée d’une personne psychosociale dont l’édification a commencé et dès après-coup de nos choix sur sa destinée de sujet humain » (p. 159).
[18] Ibid., p. 162.
[19] Dominique Beaufils, « Questionnements et perspectives du clonage », dans Bioéthique orthodoxe, Actes du 4e Colloque de l’Association Orthodoxe d’Etudes Bio-éthiques, Institut de théologie orthodoxe Saint Serge, Paris, 27 octobre 2001, p. 63.
[20] 1. la loi relative au « respect du corps humain », qui modifie le Code civil, promulguée le 29 juillet 1994 ; 2. la loi relative « au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal », qui modifie le Code de la santé - le 29 juillet 1994 ; 3. la loi relative au « traitement des données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé » - le 1er juillet 1994. (Dominique Mehl, Naître ? La controverse bioéthique, Paris, Bayard, 1999, p. 357).
[21] Nous avons choisi uniquement les références qui concernent directement l’embryon. Bibliographie : Dominique Mehl, Naître ? La controverse bioéthique, pp. 357-360.
[22] L’affirmation n’a aucune finalité pratique, car toute étude faite sur l’embryon porte atteinte à sa dignité et à son integrité en tant qu’être humain.
[23] John Breck, Darul sacru al vietii, Cluj : Patmos, 2001, p. 164.
[24] Ibid., p. 166. Shannon, McCormick et autres affirment que le zygote ne peut pas avoir une individualité, des caractéristiques qui lui sont propres, avant l’implantation, car c’est alors qu’il reçoit, (à part l’information génétique des deux gamètes), une information génétique supplémentaire maternelle, qui lui confère son individualité unique. Dr. Jérôme Lejeune, connu pour la découverte de la trisomie 21, a pourtant montré que l’œuf fertilisé est la cellule la plus différenciée qui existe et qu’il contient toute l’information nécessaire pour produire un être humain. Résulte que la différenciation cellulaire est inscrite dans le conceptus dès le début de son existence. Elle commence dès la première cellule (l’information génétique est transmise par différenciation de la première à la deuxième cellule), et c’est un processus continu qui, dans des conditions normales, aboutira par la naissance d’un enfant (Ibid., pp. 169, 175-177).
[25] Etienne Emile Baulieu, Génération pilule, Paris : Editions Odile Jacob, 1990, p. 189.
[26] Frydman, Dieu, la médecine et l’embryon, p. 89.
[27] John Breck, op. cit., p. 164.
[28] Xavier Thévenot, La bioéthique, Paris: Centurion, 1989, p. 68.
[29] « … le réalisme chrétien ne centre pas le débat sur la notion de personne », affirme un autre théologien. « Le concept est devenu trop riche ; mieux vaut définir l’embryon comme être humain. » (Jean-Louis Bruguès, La fécondation artificielle au crible de l’éthique chrétienne, Paris : Fayard, 1989, p. 237).
[30] Bruguès, op. cit. p. 248.
[31] Voici le texte de l’encyclique Donum Vitae concernant le respect dû à l’embryon : « Le fruit de la génération humaine dès le premier instant de son existence, c’est-à-dire à partir de la constitution du zygote, exige le respect inconditionnel dû à l’être humain dans sa totalité corporelle et spirituelle. L’être humain doit être respecté et traité comme une personne dès sa conception, et donc dès ce moment on doit lui reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels en premier lieu le droit inviolable de tout être humain innocent à la vie » (I, 1).
[32] Thévenot, op. cit., p. 69, note de bas de page : « Le Comité national d’éthique français parle de « personne potentielle » voulant signifier par là à la fois que l’embryon n’a pas encore toutes les caractéristiques de la personne adulte et qu’il a droit au respect que l’on doit à une personne. »
[33] Bruguès, op. cit., p. 220.
[34] Ibid., p. 229.
[35] Frydman, op. cit., pp. 94, 95.
[36] Tableau réalisé d’après les propos de R. Frydman, op. cit., pp. 257-261.
35 Du point de vue orthodoxe, par « conjoints » on entend les personnes unies par mariage.
[38] FIVETE = Fécondation In Vitro Et Transfert Embryonnaire.
[39] Réalisé sur des embryons in utero.
[40] René Frydman, L’embryon, cet inconnu, dans Qu’est-ce que la vie ?, Université de tous les savoirs, Paris : Editions Odile Jacob, 2000, p. 292.
[41] René Frydman, Dieu, la médecine et l’embryon, Paris : Editions Odile Jacob, 1999, pp. 20-21.
[42] Voir John Breck, Scripture in Tradition, Crestwood, New York: St Vladimir’s Seminary Press, 2001.
[43] Jean-Claude Larchet, Pour une éthique de la procréation, Paris : Cerf, 1998, p. 100. Nous allons marquer, par la suite, les références au texte de Jean-Claude Larchet directement dans notre texte et non pas par notes de sous-sol.
[44] Larchet, op. cit., pp. 127-128.
[45] Ibid., pp. 128, 143.
[46] Beaufils, Dominique, « Le statut de l’embryon », Actes du 1er Colloque de l’Association Orthodoxe d’Etudes Bio-éthiques, Institut de théologie orthodoxe Saint Serge, Paris, 8-9 mai 1997, p. 126.
[47] Ibidem.
[48] Ibidem.
[49] Ibidem, p. 127.
[50] John Breck, op. cit., p. 179.
[51] Ibidem, p. 180.
[52] Étienne Émile Baulieu, Génération pilule, Paris : Éditions Odile Jacob, 1990, p. 189.
[53] Dominique Beaufils, « Début de la vie : apports et limites actuelles de la science », Actes du 2e Colloque de l’Association Orthodoxe d’Etudes Bio-éthiques, Institut de théologie orthodoxe Saint Serge, Paris, 8-9-10 mai 1998, pp. 86-87.
[54] Beaufils, Dominique, « Le statut de l’embryon », p. 127.
[55] Ibid., p.129.
[56] Baulieu, p. 189.
[57] Comité Consultatif National d’Ethique, Avis de recherches sur l’embryon, Paris: Actes Sud et Inserm, 1987, p. 161.
[58] Ibid., p. 148.
[59] John Breck, op. cit., p. 180.
[60] René Frydman, Dieu, la médecine et l’embryon, p. 22.
[61] Père Dominique Beaufils, d’après FIVNAT (1995).
[62] René Frydman affirme bien vouloir prendre en considération les affirmations des théologiens concernant l’embryon. C’est le but déclaré de son livre (Dieu, la médecine et l’embryon). Malheureusement, le résultat n’est qu’une analyse critique des propos religieux et une recherche de ceux qui s’approchent mieux de ses convictions. Il passe ainsi en revue toutes les grandes religions et confessions (chrétiennes) et interprète tout propos dans la perspective de ses propres théories, en appréciant ceux qui justifieraient ses opinions et en déclarant pour intransigeants et inhumains ceux qui ne le font pas. Exemple (en parlant de l’Orthodoxie) : « bien que cette position soit fort éloignée de celle que je défends, elle me paraît moins inhumaine que celle de Rome » (p. 103).
Cependant, sur le plan pratique, les choses sont un peu différentes, car M. Frydman et un des collègues, psychologue et gynécologue, Paul Atlan, sont les auteurs d’une initiative louable et unique : la mise en œuvre, en janvier 1996, à l’Hôpital Antoine Béclère de Clamart, d’une « consultation éthico-religieuse ». Elle est ouverte à tous les couples qui, contraints à faire recours aux PMA, veulent en même temps prendre une décision qui soit conforme avec leurs convictions religieuses (et / ou culturelles). Les patients rencontrent le docteur Atlan et formulent leurs questions, qui seront par la suite soumises à une autorité religieuse ou morale compétente. Les repères donnés permettront au couple de prendre une décision, en toute liberté. De plus, si la décision est de demander une fécondation in vitro, par exemple, la technique qui sera appliquée sera adaptée conforme aux préceptes religieux. Ainsi, pour un couple catholique, on exclut l’éventualité d’une réduction embryonnaire et la congélation des embryons. Aussi, on ne produit que deux embryons dans le cadre d’une FIVETE, ou on réalise des fécondations in vitro en cycle naturel, sans stimulation ovarienne, afin d’obtenir un seul embryon. Dans la religion judaïque, il y a d’autres particularités, qui tiennent surtout des périodes « impures ». De même, dans le cas de la FIVETE homologue ou de l’IAC, un rabbin surveillera la réalisation de tout le processus.
À l’objection soulevée par cette initiative : « l’hôpital est une institution laïque », les deux médecins répondent : l’hôpital, oui, mais les patients ne le sont pas toujours. (Frydman, op. cit., pp. 113-121)
[63] Dominique Beaufils, « Questionnements et perspectives du clonage », dans Bioéthique orthodoxe, Actes du 4e Colloque de l’Association Orthodoxe d’Etudes Bio-éthiques, Institut de théologie orthodoxe Saint Serge, Paris, 27 octobre 2001, p. 56.
[64] Axel Kahn, « Le clonage », dans Bioéthique orthodoxe, Actes du 4e Colloque de l’Association Orthodoxe d’Etudes Bio-éthiques, Institut de théologie orthodoxe Saint Serge, Paris, 27 octobre 2001, p. 9.
[65] Beaufils, Dominique, op. cit., p. 56.